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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/458

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communication avec le public d’aujourd’hui, vous l’avez nommé : une fois de plus et comme toutes les fois, ç’a été Molière. Ne disons pas que la Comédie-Française a « repris » les Femmes savantes : une telle pièce ne doit jamais quitter le répertoire. Mais elle l’a remise à la scène dans un décor neuf, avec une interprétation de premier ordre. La nouveauté du décor consiste dans une baie par laquelle on aperçoit un jardin à la française : la lumière, qui entre à flots, égaie et rafraîchit le vieux chef-d’œuvre. Ce n’est rien là que de bien simple, mais il fallait le trouver. Les chefs d’emploi ne dédaignent pas de tenir des rôles qui, au surplus, sont parmi les plus difficiles, parce qu’on s’y heurte à de grands souvenirs, et qu’on risque toujours de s’y montrer inférieur à une tâche consacrée où vous attendent les connaisseurs. Mme Bartet est une Armande exquise ; elle met toute sa grâce dans ce rôle dont il ne faut à aucun prix faire un rôle ridicule. Victime de sa mère, dupe d’un idéal quintessencié, Armande est passée à côté du bonheur ou de ce qu’on appelle ainsi : elle mérite d’être plainte. Et n’oublions pas que les soupirs de Clitandre étaient d’abord allés vers elle. Des deux sœurs, ce n’est peut-être pas la plus aimable : c’est assurément la plus séduisante, avec une distinction supérieure, un charme romanesque, un grand air, dont il faut bien avouer que manque cette petite bourgeoise d’Henriette. Mlle Valpreux, pour la continuation de ses débuts, jouait le rôle d’Henriette : elle y a plu par les mêmes qualités de justesse, de tact et d’élégance qui avaient fait son succès dans Georgette Lemeunier. Je ne sais si elle a suffisamment accentué le contraste entre les deux sœurs. Henriette est l’honnête fille suivant une morale un peu terre à terre et suivant la nature. Elle ne fait pas la renchérie, elle ne raffine pas, elle accepte sans scrupule un galant pour qui sa sœur n’a pas cessé de soupirer en secret. Sévèrement jugée par les délicats, ou par les précieux, elle plaît à l’ensemble du public par son bon sens robuste, sa franchise, sa belle humeur, sa gaieté bien portante. Elle est de l’étoffe avec laquelle on fait non les La Fayette, mais les Sévigné. Mlle Fayolle nous a présenté une Bélise impayable. M. de Féraudy et M. Berr, en Vadius et en Trissotin, ont livré avec la plus désopilante maestria la bataille du cuistre contre le pédant. Et M. Siblot a dessiné avec bien de la mesure le personnage de Chrysale : il en a fait un comique, non un grotesque, un bonhomme dont le seul crime est d’être trop bon, mais d’ailleurs du sens le plus droit et qui a les idées les plus justes, puisque ce sont, à n’en pas douter, les idées de Molière. Le spectacle le moins curieux n’était pas celui de la salle, une salle bondée et