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fait volontairement très mal, parce qu’il ne cherche qu’à influencer les électeurs et les élus. Il est cependant hors de toute contestation que les candidats du parti radical unifié ont obtenu, le 26 avril, dans l’ensemble des collèges, un nombre de suffrages moins élevé qu’en 1910. Dans le département de la Seine, ils en ont perdu, en quatre ans, plus de cent mille.

En revanche, le parti socialiste a certainement gagné près de trois cent mille suffrages : il en a obtenu 1 400 000 environ contre 1 110 000. A s’en rapporter simplement aux chiffres, ce serait le seul parti qui aurait fait des conquêtes appréciables. Mais ces chiffres ne sont pas, nous le reconnaissons, tout à fait concluans. Il est en effet très difficile de se rendre compte des mobiles si divers qui exercent une influence sur des électeurs que la politique d’arrondissement passionne beaucoup plus que la politique générale. Il est toutefois important de constater que, dans la Seine, dans le Nord et surtout dans la Haute-Vienne, le socialisme a conquis, par sa propagande, un nombre considérable d’adhésions. Il n’effraye plus, comme autrefois, la petite bourgeoisie et les petits cultivateurs ; il n’est plus considéré comme un épouvantail même par certains conservateurs qui aiment mieux, parfois, pour ne pas perdre leurs suffrages, voter pour un candidat socialiste, qui ne froissera pas leurs convictions religieuses, que pour un candidat radical sectaire et dont le succès provoquerait des représailles contre ses adversaires. Ce qui s’est passé dans la Haute-Garonne, dans l’Hérault, dans le Gard, représenté au Sénat par le président du Conseil, est très significatif : les victoires socialistes semblent être, dans ces départemens, l’œuvre de la droite. Mais il serait plus exact de dire qu’elles sont l’œuvre du parti radical. Quand on proclame bien haut que les suffrages de la droite ne compteront pas, qu’on doit former des coalitions contre tous ses candidats et gouverner contre elle après chaque élection, il ne faut pas s’étonner qu’elle se révolte contre une pareille iniquité et qu’elle vote pour un socialiste, à seule fin d’assurer la défaite d’un radical.

Ce qu’il y a de plus significatif dans les résultats du premier tour de scrutin, c’est le nombre considérable des ballottages : 252 sur 602 sièges à pourvoir. N’est-ce pas une preuve certaine que le suffrage universel est fort divisé, qu’il est indécis entre tant de candidats qui défendent si souvent des programmes à peu près semblables, mais qui lui promettent tous un égal