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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/657

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Lincoln. Guillaume de Shyrwode, trésorier de l’église de Lincoln, beaucoup plus savant qu’Albert dans la philosophie commune, n’a pas d’égal dans la grammaire des Latins, dans la logique ordinaire, dans la physique et la métaphysique qu’enseignent les écoles, sans se livrer toutefois aux recherches originales sur les sciences dont l’étude est, selon Roger Bacon, indispensable aux philosophes et aux théologiens. Les traités de logique qu’il a laissés sont d’ailleurs un commentaire tout à fait remarquable des parties de l’Organon relatives au langage et au raisonnement. Jean de Londres est l’un des deux seuls mathématiciens parfaits, qui sont capables tout à la fois de s’assimiler les connaissances acquises et de les augmenter. Si l’on admet, avec Emile Charles, qu’il se confond avec le Jean Basingestokes qui aurait rapporté d’Athènes le Testament des Douze Patriarches, il aurait poursuivi déjà l’idéal tracé par Roger Bacon et joint l’étude des langues à celle des sciences.

Adam de Marisco est presque toujours associé à son maître Robert de Lincoln dans la pensée de Roger Bacon comme ils le furent dans leur vie même. Ce sont les deux plus grands clercs du monde, travailleurs infatigables, parfaits en toute sagesse. Par l’étude des mathématiques, ils se sont rendus maîtres de toute science et capables d’expliquer, avec leurs causes, les choses divines et humaines. Par celle des langues étrangères, ils méritent d’être rapprochés de Salomon, d’Aristote, d’Avicenne. Pour l’enseignement de la théologie, ils emploient la Bible ; et non les Sentences de Pierre le Lombard. Par l’intellect agent, ils entendent surtout Dieu : Adam de Marisco explique à Roger Bacon comment le bienheureux Ambroise put voir les obsèques de saint Martin grâce à l’illumination divine. Les anges lui montrèrent un corps dans lequel était l’âme du bienheureux Martin. Les démons portent donc toujours l’enfer avec eux, puisque les esprits n’ont pas de distance locale et, comme les anges, ils savent ce qui se fait en divers lieux.

Robert de Lincoln est, en outre, placé parmi les hommes saints et bons dont peu de prélats imitent la vie. S’il n’a pas assez connu le grec et l’hébreu pour faire lui-même des traductions, il a eu beaucoup d’aides. De la Grèce, de l’Italie méridionale, il a fait venir des livres de grammaire, des œuvres religieuses, des hommes qui savaient le grec et qui ont passé le reste de leur vie en Angleterre. Par la longueur de sa vie, par