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les raisonnemens auxquels elles peuvent s’appliquer. Enfui on arrivera ainsi à augmenter, dans tous les domaines, les connaissances transmises par nos prédécesseurs.

Mais l’expérience, humaine et philosophique, est insuffisante et incomplète, parce qu’elle ne donne pas la certitude absolue pour les corps, parce qu’elle n’atteint aucune des choses spirituelles. Il faut y joindre l’expérience par illumination intérieure, qui n’est autre que l’inspiration ou la révélation divine. De même que le soleil nous fait voir les objets sensibles en les éclairant de sa lumière, Dieu éclaire les principes, les vérités éternelles et les êtres spirituels de manière que nous puissions en avoir la connaissance. C’est ainsi qu’il a révélé la sagesse, sous sa forme complète, aux patriarches et aux prophètes ; c’est ainsi qu’il l’a révélée, sous sa forme philosophique, à Aristote et à Avicenne, qu’il la révèle encore, en tout ou en partie, mais en raison même de leur mérite, a ceux qui ont déjà travaillé à développer en eux l’intelligence et la volonté, à posséder ainsi plus de vérité et de moralité. Le maître idéal, qui sait tout, devient, en définitive, le maître intérieur qu’il faut se rendre capable d’écouter, après qu’on a interrogé la nature. Et Bacon dira volontiers que l’expérience seule peut nous faire saisir la vérité, entendant par là les lois et les faits que nous apprenons à connaître en écoutant et en interrogeant le monde sensible, mais aussi les causes, les principes et les êtres dont le maître intérieur nous révèle l’existence et la nature.


L’œuvre accomplie par les contemporains de Roger Bacon, ceux-là mêmes qu’il a durement traités, Alexandre de Halès, Albert de Bollstädt, Thomas d’Aquin a été considérable. D’un point de vue chrétien, ils ont fort habilement utilisé une bonne partie de ce que leur avaient laissé les Latins, les Grecs et les Byzantins, les Arabes et les Juifs. Par eux, le XIIIe siècle a été grand dans l’histoire du catholicisme. C’est de la synthèse thomiste qu’il s’est réclamé aux époques de lutte doctrinale, au temps de Luther et de Calvin pour la théologie, au temps de Léon XIII pour la philosophie. Par Roger Bacon, le XIIIe siècle est grand dans l’histoire du christianisme et dans l’histoire générale de la civilisation. Il ne fut pleinement satisfait ni par