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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/718

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Chambre, mais est-il aussi sûr de l’avoir dans son ministère même ? Les socialistes sont unifiés, les radicaux aussi ; peut-on en dire autant de nos ministres ? De mauvais bruits courent à ce sujet. On annonce qu’ils ne sont pas d’accord sur les questions les plus importantes. Quoi de plus naturel ? On sait comment ce ministère s’est formé à la hâte, au petit bonheur, à la suite de la chute de M. Barthou. Tout cela sentait l’improvisation et le provisoire : comment en faire du définitif ? M. Doumergue a raison de vouloir se démettre. Il connaît aujourd’hui les difficultés de la situation, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur, et il est sans doute assez modeste pour prévoir qu’il ne pourra pas bien longtemps y faire face. C’est un grand art en politique, comme partout d’ailleurs, de savoir s’en aller à propos. Mais par qui sera-t-il remplacé ? À cette question, les réponses sont diverses. Plusieurs noms sont mis en avant : nous n’en retiendrons aucun, parce qu’il faut bien avouer qu’aucun ne s’impose avec une autorité et une force incontestables. C’est le rôle de M. le Président de la République de choisir le prochain président du Conseil : puisse son choix porter directement sur un homme et indirectement sur des hommes capables d’exercer une action salutaire sur la Chambre ! Nous disions récemment qu’une Chambre toute neuve ne se connaît pas encore, et que le premier gouvernement qui l’aide à se connaître exerce sur elle une influence heureuse ou malheureuse, bonne ou mauvaise, dont dépend on grande partie sa destinée ultérieure. Voilà pourquoi les choix du début ont tant d’importance. Oublions celui qu’a fait M. Poincaré pour finir la dernière législature : attendons-le à celui qu’il fera pour entamer la nouvelle.

Dans un discours qu’il vient de prononcer à Lyon, il a éloquemment exposé l’idée qu’il se faisait de sa mission, et les paroles qu’il a prononcées ont trop d’importance pour que nous n’en reproduisions pas quelques-unes. Répondant à M. Cazeneuve, président du Conseil général : « Il m’est agréable, a-t-il déclaré, de vous entendre dire que, fidèle à la vérité constitutionnelle, vous placez en dehors des partis les fonctions et la personne du Président de la République. Si, dans l’exercice de sa magistrature, il ne peut encourir aucune responsabilité parlementaire ou politique, c’est qu’il doit demeurer étranger aux inévitables divisions d’une libre démocratie ; c’est qu’il doit être et rester, je me plais à le redire, le président de tous les : Français ; c’est qu’il doit remplir avec une loyauté scrupuleuse et avec le souci constant des grands intérêts nationaux le rôle d’arbitre et de conseiller que lui assigne la Constitution républicaine. » Arrêtons