détachemens de toutes les Puissances occupaient la Crète, l’Allemagne leur a tout à coup faussé compagnie en disant qu’il importait peu au concert européen que sa petite flûte continuât d’y faire sa partie et qu’elle ne voyait aucun inconvénient à la déposer sur la table et à s’en aller. En effet, l’Allemagne s’en alla et il n’en résulta aucun inconvénient. C’est un précédent qui donne à penser. Qu’irions-nous faire en Albanie ? L’Autriche et l’Italie ont créé cette principauté avec le consentement de l’Europe beaucoup plus qu’avec sa participation : l’Europe n’est pas responsable des suites.
Au surplus, cette solidarité européenne qu’on invoque et dont nous tenons grand compte, la Triple-Alliance l’a-t-elle toujours pratiquée ? A-t-elle maintenu la délibération et l’action en commun ? M. Sazonoff, dans un discours qu’il vient de prononcer devant la Douma, et qui est empreint d’une haute sérénité, d’une grande fermeté d’esprit, a dit que les ambassadeurs de la Triple-Entente continuaient, pour arriver à des solutions plus rapides, à causer ensemble à Londres. Pourquoi les ambassadeurs de la Triple-Alliance ont-ils rompu cet accord ? Ils y ont signalé des inconvéniens ; ils en aperçoivent aujourd’hui dans une politique différente. L’action de l’Europe a été affaiblie par ces divisions. La Triple-Alliance a-t-elle veillé à ce que d’importantes questions, celle des îles par exemple, fussent réglées conformément aux décisions prises ? Que d’ajournemens, que de réticences, que de reprises depuis quelque temps ! Il y a, entre les questions aussi, des solidarités : les a-t-on toujours respectées ? Cela nous donne quelque liberté d’attendre et de voir venir. Nous tiendrons tous les engagemens que nous avons pris : mais, s’il faut en prendre de nouveaux et pour des intérêts qui ne sont pas les nôtres, c’est bien le moins qu’on nous laisse le temps de la réflexion.