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sur l’autre, viennent encore d’engendrer un nouveau résultat.

L’administration confie ses charges aux commerçans, qui, pour 60 francs, les lui font transporter à Brazzaville. Le commerçant ne paie en principe qu’après service accompli, mais il est bien forcé de remettre aux porteurs des avances destinées à assurer leur subsistance pendant 100 kilomètres, aller et retour. Le taux de ces avances varie par suite des difficultés du recrutement et de la concurrence entre maisons de commerce.

Peu après mon départ de Loango, les porteurs se refusant toujours à marcher, en raison de l’insécurité de la route, on leur promit, pour les séduire, de leur donner en avances les deux tiers du paiement total. Une première caravane se présenta, fut chargée, et partit. Une deuxième suivit. D’autres arrivèrent. A Loango, tout le monde chanta victoire. Un beau jour, que découvrit l’administration ? C’étaient les mêmes porteurs qui repassaient devant elle, comme au théâtre les figurans dans un défilé ! Les Loangos avaient succombé à la tentation ! Recevant presque la totalité du salaire, avant d’avoir rien fait, ils avaient préféré s’abstenir d’un voyage dangereux. Ils étaient allés jusqu’à une distance variant entre 10 et 20 kilomètres, quelques-uns à moins, ils avaient déposé leurs charges dans la forêt, dans la brousse, et étaient venus se rengager sous d’autres noms pour toucher de nouvelles avances. Plusieurs s’étaient ainsi engagés trois ou quatre fois avant que leur manœuvre ne fût découverte.

En ce moment, ils réfléchissent en prison sur les inconvéniens du cumul, mais une partie de nos charges gît dans le Mayombe. Le capitaine Marchand n’a pas mis longtemps à juger la situation et à trouver le remède à y apporter. Il a tout de suite expédié les tirailleurs vers Comba, au point où règne l’effervescence, et, ayant ainsi donné aux postes la force qui leur manquait, il a d’un trait de plume aboli les monopoles. Il en a le pouvoir, puisque, le 8 août, M. de Brazza lui a remis le commandement de la route, et de toute la région insurgée.

La résolution de Marchand a, paraît-il, pris des proportions de coup d’Etat 1 ! Loango est révolutionné : toucher aux pratiques ancestrales qui président au recrutement des porteurs est un sacrilège ; la mesure est très grave ; le portage est perdu !

Il est difficile, en tous cas, que la situation soit plus