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l’entourage intime de Yuan-Chekai. Lorsque le Président prit solennellement possession de ses fonctions, un seul représentant des religions fut invité à prendre part officiellement aux cérémonies ; ce fut l’évêque de Pékin, auquel Yuan-Chekai fit savoir tout le prix qu’il attachait à sa présence. De la révolution, les missionnaires ont vu surtout les aspects sympathiques ; ils étaient du côté du peuple dont ils ont admiré l’élan, le courage, l’enthousiasme généreux ; au contraire, les diplomates et les gens d’affaires ont vu surtout l’administration disloquée, l’État en péril, la sécession du Sud menaçante, les capitaux et les dividendes compromis. La politique, comme c’est son devoir, a défendu l’ordre au nom des intérêts ; mais peut-être cette défense l’a-t-elle parfois empêchée de reconnaître le caractère vrai d’un mouvement complexe où il n’y avait pas que désordre, et d’où est sortie, malgré tout, une Chine très différente de celle d’autrefois. Les révolutionnaires sont venus trop jeunes dans un monde trop vieux ; ils vieillissent, et le monde où ils s’agitent se rajeunit ; et ainsi s’établit un équilibre provisoire, dont la République autocratique et centralisatrice de Yun-Chekai est une expression assez exacte.


II

Les révolutions, dans l’histoire ancienne de la Chine, se traduisaient par des changemens de dynastie. Si l’Extrême-Orient avait continué, loin de toute intervention européenne, son évolution autonome, la Chine, vaincue et humiliée par le Japon en 1895, aurait alors chassé les mauvais maîtres qui n’avaient pas su la défendre ; une dynastie nouvelle serait sortie du peuple ou venue du Japon. La présence des étrangers faussa la direction de l’histoire ; les Européens avaient signé des traités, engagé des affaires avec les empereurs mandchous : ils travaillèrent à les maintenir sur le trône. Mais les crises succédèrent aux crises. L’empereur Kouang-Siu, en 1898, conseillé par le fameux Kang-Yn-Wei et d’autres lettrés en relations avec les Japonais, tente de moderniser son empire : c’est la révolution venue d’en haut, réalisée d’un coup par décret.

C’est alors que paraît pour la première fois dans l’histoire le personnage de Yuan-Chekai. Il est fils de mandarin, né au Ho-Nan ; il a reçu l’éducation de l’aristocratie, mais il a peu de