Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 21.djvu/895

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

triomphe, même momentané, d’une république démocratique et sociale en Chine, aurait, dans tout l’Extrême-Orient, un retentissement tel que l’exemple en pourrait devenir contagieux et provoquer des troubles en Sibérie où vivent des milliers de socialistes et de révolutionnaires russes exilés ou déportés. L’intérêt de la Russie et du Japon était donc, comme celui des grandes Puissances, d’aider la Chine à se donner un gouvernement régulier et pacificateur sans lui permettre de devenir une puissance assez forte pour inquiéter ses voisins. À ces conditions, le Japon et la Russie adhérèrent au consortium et à la politique dont il était l’expression ; il représenta désormais les intérêts de six grands États et parla en leur nom. Ainsi se manifestait la puissance de la combinaison diplomatique qui unit les intérêts du Japon à ceux de la Russie.

L’unanimité diplomatique et financière des Puissances étant assurée, il restait, avant de réaliser l’emprunt, à résoudre de grosses difficultés. Il fallait d’abord gager l’emprunt, inspirer confiance aux prêteurs ; le plus clair des revenus de la Chine était déjà engagé. Les grands établissemens de crédit, en France surtout, manifestaient des inquiétudes ; ils hésitaient à engager leur clientèle à placer ses capitaux dans un pays où la situation politique paraissait mal affermie. Le corps diplomatique demanda comme gage le revenu des gabelles, et il commença à parler d’un contrôle étranger sur l’administration financière de la Chine. Mais une telle intrusion des étrangers dans la vie intérieure du grand empire n’allait-elle pas soulever un mouvement xénophobe, provoquer peut-être dans les provinces des massacres que la présence, à Pékin, des troupes internationales serait impuissante à prévenir ? Ne risquait-elle pas, enfin, d’ébranler la situation, déjà si difficile, de ce Yuan-Chekai que les Européens regardaient comme le seul homme capable d’assumer la responsabilité du gouvernement ? Yuan était dans l’impossibilité matérielle de gouverner sans le concours des étrangers, mais il risquait, en se mettant entre leurs mains, une dangereuse impopularité. Les révolutionnaires qui n’auraient pu réussir, s’ils avaient pris le pouvoir, à faire face aux engagemens financiers de la Chine, et qui eurent le mérite de sacrifier leurs ambitions politiques à l’intérêt supérieur de leur pays, pouvaient, en présence d’une mainmise des étrangers sur les finances de la Chine, demander compte au président