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Réminiscences du passé, vestiges de la civilisation d’antan, évocation de cette Espagne glorieuse des XVIe et XVIIe siècles, que je découvre à chaque pas et qui me frappe même en ses ruines, si cet immense empire sur lequel le soleil ne se couchait pas a établi sa conquête par l’épée de ses vaillans conquistadores, sa suprématie réelle fut assurée par la supériorité de sa culture. Ici comme partout, nous saluons l’idée planant victorieuse et vivante sur les empires déchus et sur la force matérielle anéantie.


II. — L’ARRIVEE

A la première aube du jour, le 18 décembre 1912, j’arrivai au Mexique. Le train sans fin roulait lentement sur l’énorme pont de fer jeté sur le Rio Grande. C’était un matin gris et froid. Tout autour de moi le paysage apparaissait triste et sombre, sans végétation et peu cultivé. Les deux villes sœurs de Loredo, dont l’une construite sur la rive gauche du fleuve appartient aux Etats-Unis, l’autre située en face fait partie du Mexique, sont peu attrayantes. Comme tous les centres de commerce à leur début, elles ne possèdent ni beauté, ni originalité.

Je m’étais représenté le Mexique tout autrement, plus riant et plus chaud que ces mornes cités du Nord et que leurs banlieues glacées et désertes. Heureusement la triste impression diminua d’heure en heure à mesure que je pénétrai dans l’intérieur. Mes espérances furent même en fin de compte dépassées. Il serait difficile de trouver pays plus ensoleillé et peuple plus original. A notre époque si prosaïque, le Mexique est resté un pays de rêve.

Mais pour en revenir à Loredo, je n’y trouvai rien de tout cela. Sa construction et son emplacement me rappelèrent les villes des Etats-Unis. Sa gare semblait aussi désolée et sale que celles du Texas. La même foule vulgaire et mal tenue se presse ici comme là-bas sur le quai. Chacun crie en anglais, ou plutôt en américain, avec un accent nasillard bien marqué.

Les règlemens de douane sont tracassiers au dernier point et, loin de les adoucir, on les aggrave partout. Dans le grand hall de Loredo, les employés plongent dans tout le contenu des malles, le retournent de haut en bas et abîment à plaisir, autant qu’ils le peuvent, les bagages des voyageurs les moins suspects de contrebande. Les trains sont organisés comme ceux de