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choses, il fallait un autre guide que l’art antique, un autre atelier que celui de David. Des artistes plus jeunes que lui et moins classiques, Lethière à leur tête, compliqueront leurs œuvres et les feront frémir des ardeurs de la vie ; ils demanderont au coloris des ressources pour peindre les passions et les drames de la Révolution. Un peu plus tard, Gros trouvera l’éloquence qui convenait pour célébrer les triomphes de l’Empire.

Le drame de Lethière et l’épopée héroïque de Gros ont formé Delacroix, comme le classicisme de David a formé Ingres. Ingres emprunte à David son amour de l’antiquité et la correction de son style, mais Delacroix plus que lui fut le véritable héritier de l’école de la République et de l’Empire : c’est lui qui, dans l’héroïsme de sa pensée, parvint à exprimer toutes les passions, tous les enthousiasmes, toute la sensibilité du XIXe siècle, depuis les Massacres de Scio jusqu’aux Journées de Juillet ; c’est lui qui, conservant ce qu’il y avait de plus pur dans l’Art de la Révolution, fut, sans imiter l’Italie comme le Poussin ou la Grèce comme David, le plus national et le plus grand peintre de l’Ecole française.


MARCEL REYMOND.