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ses aveux, et elle était trop femme pour employer les ruses des prudes ou des laides.

« Maintenant, Monsieur, tout ce dont je ne doute pas, c’est d’avoir aimé cette femme, c’est de l’aimer encore, et de l’aimer assez pour mourir si j’apprenais que sa forme s’est évanouie sous terre. Je crois à son existence. Je vis avec elle, malgré elle, sans qu’elle en sache rien. Elle est, dans ma pensée, la source de toutes mes pensées…

« Quand ce coup de foudre me terrassa, Monsieur, car venons au dénouement, — la nuit ne me suffirait pas s’il fallait vous dire les détails de ma passion, et vous trouveriez cette femme par trop mauvaise,… — alors, je fus accablé d’une douleur si vive que je me renfermai pour pleurer comme un enfant. Puis, voyant tout fini pour moi dans ce dernier orage, j’hésitai longtemps avant de choisir le seul parti qu’il convient à un catholique de prendre[1]… »


H. DE BALZAC.

  1. Sur un feuillet séparé, Balzac a transcrit au centre les notes suivantes :
    « J’aurais pu me faire misanthrope, et vivre seul de peu de chose. Mais la misanthropie ne me semble qu’un immense amour-propre.
    « J’aurais pu me tuer.
    « Enfin, j’aurais pu accorder…
    « L’on ne se suicide que par…
    « Détruire les idées de suicide. »