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commun accord entre vassaux et suzerains, le service personnel se changea en une redevance pécuniaire.

Les riches personnages entretenaient des messagers de pied et des chevaucheurs : de ces derniers, le roi de France en avait une centaine ; chez l’archiduc-régent des Pays-Bas, ils étaient vingt-six ; de moindres seigneurs se contentaient de deux ou trois. Les chevaucheurs étaient payés à forfait : au XIVe siècle, 18 francs par jour pour un parcours de 55 kilomètres environ[1] ; s’ils perdaient le cheval à eux confié, ils le remplaçaient aux frais de leur maître. Les messagers de pied, par journée de 30 kilomètres en moyenne, touchaient 9 francs chez le Roi (1380) ; à la solde des particuliers ou des villes leur salaire variait de 5 à 10 francs. Un voyage de nuit valait le double : 20 francs ; de même les courses périlleuses : Orléans, assiégé par les Anglais avant l’arrivée de Jeanne d’Arc (1429), n’hésite pas à rémunérer, sur le pied de 30 francs par jour, un commissionnaire exposé sans doute à de fâcheuses rencontres dans ce temps de guerre et de brigandages.

Si les distances sont grandes, si le courrier de cabinet à l’ordre de marcher nuit et jour, un port de lettres arrive à coûter plusieurs milliers de francs ; au contraire, lorsqu’on peut, par l’inlermédiaire de quelque « cher et espécial ami, » tel que sont « les courratiers de vin et de change, » confier son pli à un charretier qui fasse route avec ses marchandises dans la direction voulue, ou plus simplement lorsque le destinataire habite une localité desservie par les « petits messagers de l’Université, » le prix ne dépassera pas 5 francs de Troyes à Paris (1522) pour un sac de procédure et même 0, 60 centimes pour une simple missive de Paris à Soissons (1527).

Mais le cas est rare ; quoique les messagers de l’Université, chargés au Moyen âge de la correspondance des étudians avec leurs familles et employés en fait par toutes sortes de personnes, fussent assez nombreux, — trois pour Blois, quatre pour Fontenay-le-Conte, six pour Rouen, un pour Dol et Saint-Malo réunis, — on se demande si tous s’acquittaient réellement de

  1. Tous les prix contenus dans cet article sont exprimés en monnaie de 1914 ; suivant le rapport des anciennes monnaies avec les francs intrinsèques de 4 grammes et demi d’argent fin, traduits eux-mêmes en francs de nos jours d’après la puissance d’achat des métaux précieux. C’est ainsi que 18 francs correspondent en pouvoir à 4 fr. 45 cent, de 1380, lesquels équivalaient en poids d’argent à 10 sous tournois.