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que vous trouverez y être par abus. Le remède le plus naturel est d’obliger les courriers de payer un cheval exprès, — à leurs frais, — quand la surcharge est trop grande. »

Une économie, sévèrement prohibée par les lois, était de confier les lettres ou paquets de moins d’un kilo aux maîtres des coches ou conducteurs de diligences, aux muletiers, poulaillers, beurriers et autres voituriers des grandes routes. La brochure pour laquelle Jean-Jacques avait payé 3 francs ne lui eût coûté, dit-il, « par le messager L’Épine » que 0 fr. 50 centimes. Mais ces facteurs marrons, lorsqu’ils étaient découverts, et les exemples ne manquent pas, risquaient une amende de 1 000 francs.

Le monopole de la poste ne s’étendait pas aux articles d’argent. Au début (1632), le port des monnaies ou bijoux était même interdit aux courriers, parce que, « s’ils étaient attaqués, les dépêches du Roi pourraient être volées sur les chemins. » Il était alors de jurisprudence qu’un messager n’est point responsable d’un vol fait, nuitamment et par effraction, dans son bureau ; « cas fortuit, disait le Parlement, auquel on ne peut apporter de remède. » Les envois de fonds s’effectuaient pourtant, de bureau à bureau, par viremens, jusqu’à concurrence de 500 francs ; mais ils étaient peu usités, puisque Mme de Sévigné écrit de Paris (1660), à son oncle, qui est a Niort : « Je voudrais vous rendre la pistole que je vous dois — 33 francs — mais je ne sais comment vous faire tenir une si petite somme. »

Au XVIIIe siècle, le public eut le choix entre les postes et les diligences ; dans celles-ci, le droit, gradué suivant la distance, était par 80 kilomètres de 2 pour 1 000, mais avec une perception minimum de 2 francs, qui écartait absolument les petits envois, puisque 10 francs, envoyés de Paris à Versailles, eussent payé autant que 1 000 francs. La poste, elle, acceptait deux sortes de chargemens : aux uns, sans déclaration de valeur, — analogues à nos lettres recommandées d’aujourd’hui, — elle imposait seulement la double taxe, avec remboursement éventuel de 300 francs au plus en cas de perte par faute des employés, mais sans aucune indemnité en cas de vol ou de force majeure. Aux autres, avec sommes déclarées, pour lesquels sa responsabilité était entière, elle prenait uniformément 5 pour 100. Repoussés par cette commission exorbitante, tous les mouvemens d’argent se faisaient par les banques, comme de nos jours, bien qu’à des