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hors de doute que le gouvernement allait être assailli, il n’y avait plus qu’à s’en aller et il ne restait à débattre que le mode de la disparition L’Impératrice abdiquerait-elle ? se laisserait-elle éliminer par l’assemblée ou chasser par la rue ? Une abdication formelle était impossible à une Régente. L’Impératrice abdiquait autant qu’il était en elle depuis le 9 août ; il y avait de la cruauté à lui demander un acte formel qui excédait ses pouvoirs. L’eût-elle accordé, il eût été sans valeur.

L’option n’était donc qu’entre le renversement par la Chambre et le renversement par la rue. On comprend que les ministres n’aient pas été pressés de se prononcer entre les deux hypothèses et comme, en dehors, ils n’avaient quoi que ce soit de sérieux à proposer, ils décidèrent qu’ils ne décideraient rien. Le Corps législatif ne serait pas réuni d’urgence dans la nuit, mais seulement le lendemain à midi ; une proclamation serait rédigée, les troupes formées en province seraient dirigées sur Paris et une armée de 300 000 hommes serait organisée derrière la Loire. Et ils s’ajournèrent à huit heures du matin.


XI

Aux Tuileries, à l’issue du Conseil, on s’entretint de Trochu. L’Impératrice avait paru d’abord peu empressée d’entrer en conversation avec lui. Elle avait envoyé un de ses chambellans, Marnesia, lui porter la nouvelle. Trochu était aux fortifications, mais son chef d’état-major, le général Schmitz, avait reçu le chambellan et s’était rendu aussitôt avec lui aux Tuileries. Après sept à huit minutes d’attente, Marnesia vint annoncer que l’Impératrice était dans un tel désespoir qu’elle ne pouvait le recevoir. Le général Schmitz pria le chambellan d’insister, lui faisant observer que c’était précisément dans des situations semblables qu’on avait besoin de ses amis. Mais, au bout de quelques instans, Marnesia revint avec Conti et répéta : « Général, n’insistez pas davantage ; l’Impératrice est dans un tel état d’angoisse qu’elle ne peut vraiment pas vous recevoir. — Je le regrette beaucoup, répondit le général, j’étais venu lui apporter ma part d’action et de dévouement. »

Dans l’incertitude du parti à prendre, dans l’écroulement universel, une seule évidence apparut cependant. C’est que,