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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/162

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plus, on en peut conclure que le bénéfice des fermiers était d’environ 2 millions. Trente ans plus tard (1768), le revenu des postes montait à 15 600 000 francs ; il était de 23 millions au moment de la Révolution ; ce qui n’avait pas empêché les régisseurs-intéressés de s’enrichir à leur tour : la place de l’aîné des Grimod, le Sr de La Reynière, passant pour valoir 400 000 francs par an.

Le produit net serait d’ailleurs un bien mauvais indice du degré d’utilité, de progrès et même de bonne gestion des Postes. Ce service public, qui, en 1791, rapportait 23 millions à l’Etat, et moitié plus sous la Restauration, ne procure à notre budget actuel qu’un boni de 46 millions, y compris les télégraphes et les téléphones. Le produit brut, d’une date à l’autre, a progressé davantage : il était de 33 millions de francs en 1791, il est aujourd’hui de 370 millions. L’ancien régime exploitait donc à 70 pour 100 de gain ; pour lui, les postes étaient surtout un impôt ; dans l’exploitation contemporaine, — à 12 et demi pour 100 de gain seulement, — le côté fiscal passe tout à fait au second plan. La comparaison des produits bruts, à deux époques diverses, nous renseignerait encore très mal sur le développement effectif de l’organisme, parce qu’il y a cent vingt-cinq ans, les tarifs étant très élevés, on obtenait une somme relativement forte avec un nombre assez faible de correspondances.

La Révolution eut cette conception du rôle moderne des postes et tenta bravement de le réaliser : en dix ans, malgré les troubles intérieurs et la guerre étrangère, elle doubla l’importance de ce service. L’emploi des petits courriers ou entreprises particulières, c’est-à-dire des piétons ou des méchantes charrettes à un cheval dont le conducteur, assis sur une botte de paille, avait sa malle derrière lui, subsistait, pour des routes de première importance comme celles d’Amiens, Orléans, Reims, Troyes, Saint-Quentin, Rouen, Chartres et la Bretagne, jusqu’en 1791. Des malles furent alors établies sur toutes les grandes routes ; l’« entreprise » fut réservée aux chemins de traverse. Comme les maîtres de poste étaient tenus au transport gratuit, — sauf le pourboire du postillon, — de deux malles par semaine, tandis qu’il fallait leur payer assez cher le port de la troisième, l’ancienne administration ne se pressait pas d’établir ce troisième ordinaire, dont tout le Midi notamment était privé. Dans le Nord, il n’y avait pas longtemps que des services directs avaient