Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’Empereur et le gouvernement. C’était les absoudre, les encourager, devenir leur complice.

Mais Trochu ne s’est associé à aucun des actes qui ont culbuté l’établissement impérial. Il n’a pas conseillé la marche de Mac Mahon vers l’abime ; il n’a eu aucune part aux mesures décousues adoptées le 4 septembre, et ce n’est pas lui qui a désigné les généraux qui ont laissé envahir le Palais-Bourbon et les Tuileries. Requis d’aller au Corps législatif, il a obtempéré aussitôt à la réquisition. Il n’est pas venu aux Tuileries parce qu’il était occupé ailleurs, et, quand il eût pu y venir, l’Impératrice n’y était plus.

Pour qu’une résistance pût être efficace, il eût fallu que les possibilités du 4 septembre fussent les mêmes que celles du 9 août, et on en était loin. Le 9 août, le gouvernement était encore maître de la situation. Le ministère, prêt à défendre la dynastie, au maintien de laquelle le salut du pays était attaché, couvrait ceux qui s’exposaient pour elle. Avec du sang-froid et de la résolution, l’Empire, l’armée, la France pouvaient être sauvés. Le 9 août, rien n’avait été concédé à la révolution, et on l’aurait reçue à la pointe de l’épée ; le 4 septembre, on n’avait plus rien à lui refuser. L’affaissement du Corps législatif, les aberrations des ministres, leur désarroi devant la catastrophe à laquelle leurs conseils avaient tant contribué ne laissaient plus aucune possibilité de salut.

Un gouvernement n’est renversé qu’autant qu’il s’y prête. S’il ne se laisse pas troubler par les murmures, s’il y répond en serrant le frein, chacun rentre dans l’ordre. Richelieu le savait : « Les Français ne sont pas indisciplinables ; pour leur faire garder une règle, il ne faut que le vouloir fortement ; le mal est que jusqu’ici les chefs n’ont pas été capables de la fermeté requise en telle occasion[1]. » Le gouvernement de la Régence confirme cette observation. Il n’est tombé que parce qu’il y a consenti. Aucun n’a été frappé à la première infortune d’une telle prostration intellectuelle et morale et n’a plus vite et plus humblement renoncé à se défendre. Il n’a pas été renversé. Depuis le 9 août, il gisait à terre ; il a suffi de le pousser, le 4 septembre, pour qu’il disparût.

  1. 13 septembre 1638.