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en bons citoyens, dévoués à la patrie. Aussi longtemps qu’on ne nous demandera rien de contraire à notre conscience et aux vrais principes sociaux, notre conduite sera facile. Nous ne nous dissolvons pas ; mais, en présence de la grandeur de nos malheurs, nous rentrons dignement chez nous, car il ne nous convient ni de reconnaître, ni de combattre ceux qui vont lutter ici contre l’ennemi. »

Quelques députés s’élevèrent contre cette complaisante résignation. Buffet proposa de rédiger une protestation. — « De grâce, s’écria Thiers, de grâce, n’entrons pas dans cette voie. Nous sommes devant l’ennemi, et, pour cela, nous faisons tous un sacrifice aux dangers que court la France : ils sont immenses. Il faut nous taire, faire des vœux et laisser à l’histoire le soin de juger. — Pinard (du Nord) : Nous ne pouvons pas garder le silence devant la violence faite à la Chambre ; il faut la constater ! — Thiers : Ne sentez vous pas que si vous opposez ce souvenir comme une protestation, il rappellera aussitôt celui de la violation d’une autre assemblée ? Tous les faits de la journée ont-ils besoin d’une constatation ? » Daru intervient : « Les scellés ont été mis sur la porte de la Chambre. — Thiers ; « Y a-t-il quelque chose de plus grave que les scellés sur les personnes ? N’ai-je pas été à Mazas ? Vous ne m’entendez pas m’en plaindre. »

Buquet, Dinard, Saint-Germain et quelques autres députés persistent à protester. Thiers persiste à les éconduire : « De grâce, ne rentrons pas dans la voie des récriminations ; cela nous mènerait trop loin, et vous devriez bien ne pas oublier que vous parlez devant un prisonnier de Mazas. (Mouvement.) J’espérais que nous nous séparerions profondément affligés, mais unis. Je vous en supplie, ne nous laissons pas aller à des paroles irritantes ! suivez mon exemple. Je réprouve l’acte qui s’est accompli aujourd’hui : je ne peux approuver aucune violence, mais je songe que nous sommes en présence de l’ennemi, qui est près de Paris, Voulez-vous renouveler toutes les discussions des dernières années ? Je ne crois pas que ce soit convenable. Je proteste contre la violence que nous avons subie aujourd’hui, et contre toutes les violences de tous les temps dirigées contre nos assemblées, mais ce n’est pas le moment de donner cours aux ressentimens. Est-il possible de nous mettre en hostilité avec le gouvernement provisoire en ce moment suprême ? En