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nationaux non armés. On réussirait mieux ainsi à paralyser la troupe, à la pénétrer, et à pratiquer dans ses rangs la brèche par laquelle passerait la multitude. Le Siècle donna le mot d’ordre. Il annonça « que rendez-vous était pris par des milliers de gardes nationaux pour se présenter sans armes, à deux heures, devant le Corps législatif[1]. »


XIV

A son lever, le 4 septembre, par un temps d’automne radieux et doux, la population parisienne lut sur les murs la proclamation suivante : « Français ! Un grand malheur frappe la patrie. Après trois jours de luttes héroïques soutenues par le maréchal Mac Mahon contre 300 000 ennemis, 40 000 hommes ont été faits prisonniers. Le général de Wimpflen, qui avait pris le commandement de l’armée en remplacement du maréchal Mac Mahon grièvement blessé, a signé une capitulation. Ce cruel revers n’ébranle pas notre courage. Paris est aujourd’hui en état de défense ; les forces militaires du pays s’organisent. Avant peu de jours, une armée nouvelle sera sous les murs de Paris ; une autre armée se forme sur les rives de la Loire. Votre patriotisme, votre union, votre énergie sauveront la France. L’Empereur a été fait prisonnier dans la lutte. Le gouvernement, d’accord avec les pouvoirs publics, prend toutes les mesures que comporte la gravité des événemens. » Presque en même temps, Paris apprit par le Journal officiel la demande de déchéance.

Qu’allait faire le gouvernement ? À cette heure où tous les partis savaient ce qu’ils voulaient, seul le Cabinet l’ignorait encore. La Gauche, le Centre gauche demandaient la déchéance et la constitution par le Corps législatif d’un gouvernement provisoire, sous ce titre qui réserverait l’avenir : le Gouvernement de la Défense Nationale. La Droite s’était d’abord résignée, puis ralliée avec ardeur à cette combinaison, demandant seulement qu’on lui facilitât la transition. Les révolutionnaires jacobins, blanquistes, communistes, orléanistes et légitimistes voulaient,

  1. Cluseret, Mémoires, p. 227. A la suite de la bousculade du 3 au soir, un mot d’ordre venu du boulevard, spécialement du café de Madrid où se réunissait toute la bohème littéraire et politique de la presse parisienne, parcourut tout Paris : « Demain au Corps législatif et en tenue de garde national. »