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papiers trouvés aux Tuileries permet également de présager le sort qu’il aurait, tôt ou tard, réservé aux personnes, sous la pression des coquins ses souverains… Une officine de détrousseurs de documens, installée aux Tuileries, commença la publication scandaleuse, indécente, souvent frelatée, des lettres les plus intimes de la famille impériale et de ses correspondans, inaugurant le système du vol des petits papiers, honte de nos mœurs publiques. « La publicité des lettres privées trouvées aux Tuileries, m’a écrit l’Empereur (18 novembre 1870), est une infamie d’autant plus basse qu’on y a ajouté des papiers trouvés je ne sais où. » Que n’avait-on pas à redouter, tôt ou tard, d’hommes capables de se laisser entraîner à de pareils oublis des lois de l’honneur ?

Ce n’était pas ainsi qu’avait compris cet honneur l’Assemblée de 1791. Après la fuite de Varennes, l’intendant de la liste civile, La Porte, vint à la barre présenter un manifeste au peuple laissé par le Roi. « Comment l’avez-vous reçu ? » lui dit-on. — Le Roi, répond La Porte, l’avait laissé cacheté avec un billet pour moi. — Lisez le billet, dit un membre. — Non, non, s’écrie l’Assemblée d’un mouvement unanime ; c’est un billet confidentiel que nous n’avons pas le droit de lire. » On refusa également de décacheter une lettre de la Reine trouvée sur la table de cette princesse.

Le préfet de la Gironde, Larrieu, télégraphia : « Haussmann est à Bordeaux ; très grande émotion. Le peuple demande son arrestation, nos amis emploient toutefois leur influence pour modérer la population. Faut-il le faire arrêter ? Instructions immédiates. » Même question pour Jérôme David et Forcade. Ils ne furent pas arrêtés, mais obligés de s’expatrier. Le maréchal Vaillant qui, après son expulsion de Paris, s’était réfugié à Parthenay, fut sommé de quitter le territoire. Il en advint autant de Pinard. On fit savoir au général Fleury qu’il serait appréhendé si, au sortir de son ambassade de Russie, il rentrait en France. La Guéronnière, ambassadeur à Constantinople, de retour en France, fut emprisonné en débarquant à Marseille. Ainsi tous les hauts fonctionnaires et ministres de l’Empire qui ne se condamnèrent pas spontanément à l’exil y furent jetés. Ce qui n’a pas empêché les drôles qui les avaient réduits à cette extrémité de les accuser plus tard d’avoir émigré.

Ce ne furent pas, du reste, les plus haut placés seulement qui