Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/272

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

gouvernement italien me retient prisonnier. » Enfin il s’échappa, à la grande joie de nos démagogues qui ne cessaient de l’appeler. Sa venue ne devait accroître que le désordre.


XXXIV

Je n’étais pas à Paris lorsque survinrent la catastrophe de Sedan et la révolution[1]. Après m’être assuré des mauvaises dispositions de l’Italie, j’avais repris le chemin de fer de Paris (20 août). A Saint-Michel, le train allait se remettre en route lorsqu’une certaine agitation se produit dans la gare. « Le prince Napoléon ! » s’écrie-t-on. — Je cours vers lui. « Vous ici ! — Vous ici ! » disons-nous tous les deux à la fois, et nous échangeons quelques demandes et quelques réponses rapides. — « En voiture ! En voiture ! » répétait à notre oreille le chef de gare.

J’avais enfin le moyen de sortir des perplexités que me causaient des nouvelles contradictoires, de connaître la vérité de notre situation militaire, de dissiper l’obscurité dans laquelle ma pensée trébuchait : je me gardai bien de n’en pas profiter, je laissai partir le train de Paris et je montai dans celui du prince. Il m’expliqua d’une manière saisissante dans leur réalité crue les diverses péripéties dont il avait été le témoin, m’éclaira sur les hommes et sur les choses et conclut par m’annoncer que Bazaine avait dû tenter un dernier effort pour se dégager de Metz et percer vers Châlons. A Suse, il trouverait une dépêche qui l’informerait du résultat de la tentative : si elle était malheureuse, c’était fini. Les sujets des intérêts généraux épuisés, nous parlâmes de nous. « Vous alliez donc à Paris, lorsque je vous ai rencontré ? Et vous le laissiez aller ! dit-il en

  1. Empire libéral, t. XVI, p. 536 : « Dès que le ministère concéda la permanence de la Chambre et que je vis que la Chambre ne serait plus qu’un centre de complots et de commérages dans lequel il serait impossible de prononcer une parole, je pris le parti d’aller, avant que les Prussiens fussent arrivés sous Paris, chercher quelques jours de repos quelque part, afin de réparer un peu ma santé très atteinte. — Mais je me dis que je n’avais pas le droit de me reposer tout à fait et que, puisque je ne pouvais pas servir mon pays dans la Chambre, je pouvais aller au dehors essayer de lui venir en aide. Mon père, mon oncle, moi-même avions été les amis de l’Italie et nous avions souffert pour elle. J’y avais un très grand nombre d’amis dans tous les camps… Ne voulant pas que ma démarche fût connue, je m’embarquai avec ma femme sans prévenir personne et je m’en allai vers Milan par Genève et le Simplon… etc. »