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l’Autriche-Hongrie. Inséré le même jour dans le Reichsanzeiger de Berlin et dans l’Abendpost de Vienne, le traité disait, dans son article premier, que si l’un des deux Empires venait à être attaqué par la Russie, les deux hautes parties contractantes étaient tenues de se prêter réciproquement secours avec la totalité de leur puissance militaire et de ne conclure la paix que d’un commun accord. L’article 2 stipulait que si l’une des deux parties contractantes venait à être attaquée par une autre Puissance, l’autre partie s’engageait à ne pas soutenir l’agresseur contre son allié, mais tout au moins d’observer à son égard une neutralité bienveillante. Toutefois, si la puissance agressive était soutenue par la Russie, l’obligation de l’assistance réciproque avec toutes les forces militaires entrerait aussitôt en vigueur, et les opérations de guerre des deux parties contractantes devraient être également conduites d’un commun accord jusqu’à conclusion de la paix. Ces deux articles étaient suivis d’une note où il était dit que si les préparatifs de la Russie paraissaient devenir menaçans, les deux parties informeraient l’empereur Alexandre que toute attaque, dirigée contre l’une d’elles, serait considérée comme l’étant contre toutes les deux.

La divulgation de ce pacte avait causé une vive émotion en Europe, mais elle n’avait point nui au resserrement de l’union franco-russe. Sans se laisser inquiéter en effet par un document officiel d’allures menaçantes, la France et la Russie poursuivaient leurs pourparlers en vue d’un accord nécessaire à leurs intérêts réciproques.

La France donnait d’ailleurs chaque jour des preuves de son bon vouloir. Elle offrait à la Russie tout son crédit et affranchissait ses finances de la tutelle allemande. Elle lui ouvrait aussi ses manufactures d’armes pour la fabrication d’un nouveau fusil. Elle répondait aux avances de la presse russe par des affirmations réitérées de sympathie et d’amitié. M. de Freycinet, qui avait ressaisi le pouvoir, se donnait tout entier à cette tâche qu’il savait être d’un si grand intérêt pour les deux pays. « En revenant au quai d’Orsay, lors de la formation du Cabinet Brisson, dit M. Pierre Albin, M. de Freycinet avait minutieusement reconnu le terrain sur lequel le rapprochement de la France et de la Russie pouvait se produire. Il l’avait souhaité, préparé tout autant qu’il était en son pouvoir. Puis avec discrétion, avec une attention prudente, il avait guetté les premiers symptômes