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donnerait lieu à une discussion toute spéciale, lorsque M. de Giers viendrait à Paris.

Le 18 novembre 1891, le ministre des Affaires étrangères de Russie descendit à l’ambassade russe et le 23 s’établit une conférence entre lui, M. Ribot, M. de Freycinet et M. de Mohrenheim. La situation ayant été exposée très clairement par le ministre de la Guerre, la discussion prit le caractère qu’elle devait avoir. Tout en reconnaissant que la situation exigeait des précautions particulières, M. de Freycinet insista sur le caractère pacifique du rapprochement entre la France et la Russie qui avait pour but avoué le rétablissement de l’équilibre européen. Ce que demandait le ministre, c’est que les stipulations de l’alliance eussent leur complément naturel : une convention militaire. Il fit cette demande avec le tact et la mesure qui forment la caractéristique de son caractère. Déjà, à Vandeuvre, lorsqu’il avait eu à parler de notre armée et de ses chefs, il s’était exprimé en termes faits pour rassurer l’allié le plus scrupuleux. « Ces progrès, disait-il, attestent que le gouvernement de la République, malgré les changemens de surface, est capable de longs desseins et que, dans l’accomplissement des œuvres nationales, il apporte un esprit de suite qui ne le cède à celui d’aucune monarchie. Personne aujourd’hui ne doute que nous ne soyons prêts. Nous prouverons aussi que nous sommes sages. Nous saurons garder dans une situation nouvelle le calme, la dignité, la mesure qui, aux mauvais jours, ont préparé notre relèvement. » Quelque temps après, M. Ribot accentuait ces sages paroles, en disant à Bapaume, avec son autorité personnelle et l’autorité de ministre des Affaires étrangères, que la nation russe s’était associée à son Empereur pour nous témoigner une amitié cordiale. « Il en est résulté, déclarait-il, une situation nouvelle, ce qui ne signifie pas qu’il faille y adapter une nouvelle politique. Ce n’est pas au moment où nous pouvons pratiquer la paix avec plus de dignité que nous nous exposerons à la compromettre. » Et l’auditoire convaincu acclamait cette affirmation aussi sage qu’élevée : « La France, ayant conscience de sa force et confiante en son avenir, continuera de montrer les qualités de prudence et de sang-froid qui lui ont attiré l’estime des peuples et qui ont contribué à lui rendre le rang qu’elle doit occuper dans le monde. » A Marseille, M. de Freycinet renouvela les mêmes affirmations et recueillit les mêmes approbations enthousiastes :