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proposition officielle pour le moment. Laissez agir le temps, j’imagine que ce ne sera pas très long. »

Quelques jours après, le Cabinet français fut renversé à propos du manifeste de quelques évêques contre les entraves mises à l’exercice de leurs droits concordataires. Sur les instances de M. Carnot, M. de Freycinet conserva le portefeuille de la Guerre, non par ambition, mais dans l’intérêt de l’Etat. Ses scrupules cédèrent devant la nécessité de conduire à bonne fin la convention militaire. L’ambassadeur de Russie lui avait fait cette confidence : « L’Empereur n’aime pas les nouveaux visages. Si vous partez, il mettra un temps assez long avant de se décider. »

Depuis l’entretien de M. de Giers, les choses étaient restées en l’état. « La mauvaise santé du ministre russe expliquait cet arrêt, dit M. de Freycinet, mais n’en conjurait pas les inconvéniens. Tant qu’un accord bien précis ne serait pas conclu, j’estimais qu’au point de vue pratique, on courrait le risque de graves déceptions. J’avais hâte de sortir de cette expectative énervante. » Une note de M. Ribot, adressée le 16 février 1892 à M. de Montebello, successeur de M. de Laboulaye à l’ambassade de Saint-Pétersbourg, avait précisé les bases de la convention désirée, et avait été remise par le Tsar au général Vanowski, ministre de la Guerre, pour être l’objet d’un rapport approfondi. Alexandre III aimait en effet à travailler sur des écrits motivés et à se former une opinion sérieuse avant de traiter un sujet, de manière à n’avoir pas à se rétracter sur tel ou tel point. Le général de Boisdeffre, ayant été invité aux manœuvres impériales d’été, arriva le 1er août à Saint-Pétersbourg, porteur d’un projet de convention délibéré en conseil des ministres. Les pourparlers s’engagèrent aussitôt avec le général Vanowski et son chef d’état-major, le général Obroutchev. La rédaction définitive, signée par les deux chefs d’état-major, fut remise au Tsar et, le 17 août, Vanowski écrivit à Boisdeffre que Sa Majesté, ayant approuvé l’ensemble du projet, avait ordonné de le transmettre au ministre des Affaires étrangères.

M. de Giers était alors malade en Finlande. Obroutchev vint lui lire le texte agréé par Alexandre III et le ministre n’y trouva rien à redire. Le 18 août, le général de Boisdeffre fut reçu par le Tsar, qui lui fit savoir que le projet avait reçu son entière approbation, et que tout au plus pourrait-il y avoir quelques changemens de mots insignifians à la suite de l’étude faite par