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de contribuer de leur mieux à mettre la France en situation de se défendre. L’alliance russe que l’on critiquait était un des meilleurs moyens de renforcer cette défense et M. Ribot pouvait dire que, lui et M. de Freycinet, avaient fait leur devoir en la préparant et en la complétant par des mesures utiles et sages.

Ces affirmations sincères et énergiques, M. Ribot eut l’occasion de les renouveler le 6 avril 1911, à une époque où une sorte de pessimisme soufflait sur la France et où l’on mettait presque en doute que la Russie pût nous donner efficacement son appui en des circonstances graves. L’orateur connaissait bien les dangers de l’optimisme et de la présomption. Il ne les dissimulait pas. Il avait remarqué, au lendemain de l’alliance russe, une confiance un peu excessive. Mais ce n’était ni à lui ni à M. de Freycinet qu’on pouvait faire ce reproche. L’un et l’autre n’en demeuraient pas moins certains que l’alliance, dont ils étaient les auteurs, était un honneur pour eux et une sécurité pour le pays. « Nous l’avons faite, disait-il simplement, dans l’intérêt de la France et non dans l’intérêt d’un parti politique. Notre esprit visait beaucoup plus haut. Nous l’avons faite modestement, sans bruit, ne l’ayant jamais considérée comme un instrument de popularité. C’est notre honneur devant, le pays et ce sera aussi notre honneur devant l’histoire. » Et le Sénat tout entier ratifiait ces paroles par des applaudissemens plusieurs fois répétés.

Il est évident que cette alliance, dont on ne connaît pas le texte officiel, n’a pas été faite uniquement en vue des garanties de la paix, mais de toutes les éventualités qu’il est permis de prévoir. Les Alliés se sont réservé le droit de suivre de près les événemens, de combiner leur politique et d’en tirer à l’occasion tous les avantages. Ils avaient la volonté, par une nouvelle organisation de l’armée russe et par un renforcement de l’armée française, de rétablir l’équilibre militaire comme l’équilibre politique. La situation puissante de l’Allemagne obligeait la France à des efforts dont la Russie devait prendre sa part. La convention militaire qui prévoyait tout cela fut suivie d’une convention navale qui reposait sur les mêmes données et accentuait la politique de deux nations tendant, par une même action diplomatique appuyée sur des forces respectables, à maintenir la paix et l’équilibre européen. Sans doute il y avait des risques à courir, comme il y en a dans toute alliance. Ces risques ont été