Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de s’avancer du côté de la Chambre ; les sergens de ville et les gardes de Paris s’y opposèrent vigoureusement, et les gardes nationaux durent s’arrêter entre les deux cordons de troupes qui barraient le pont. Les émeutiers, qui avaient réussi à s’introduire dans l’intérieur de la Chambre, guettaient, du haut des marches du péristyle, les mouvemens de leurs auxiliaires extérieurs, les encourageant du geste. S’étant enfin rendu compte de l’immobilité à laquelle la résistance de la police réduisait les gardes nationaux, ils avertirent un des leurs, Kératry.

La séance venait de s’ouvrir (1 h. 15). Kératry monte à la tribune et dit : « La dignité du pays, la dignité de la Chambre qui représente la nation, veut que nous soyons gardés, non par des gardes de Paris et des sergens de ville, mais par la garde nationale. (Rumeurs. — Oui ! oui ! à gauche.) Je m’étonne que M. le comte de Palikao, ministre de la Guerre, ait donné des ordres contraires à ceux du général Trochu et, par conséquent, je suis obligé de dire que M. le ministre de la Guerre a forfait à ses devoirs. »

Palikao dégage la personne du général Trochu et revendique la responsabilité des mesures prises pour la défense de l’assemblée : « Tout ce qui concerne la défense de Paris, toutes les troupes qui font partie, soit de l’enceinte, soit des forts, tout cela est sous la direction du général Trochu, et je lui en laisse la libre disposition. Les troupes qui sont en dehors de la défense restent constamment dans les mains du ministre de la Guerre. » Il explique l’usage qu’il a fait de son droit d’initiative : « Maintenant, de quoi vous plaignez-vous ? Que je vous fais la mariée trop belle ! » Et, comme à gauche on s’exclame, il insiste : « Comment, je mets autour du Corps législatif un nombre de troupes suffisant pour assurer parfaitement la liberté de la discussion, et vous vous en plaignez ! Si je n’en mettais pas, vous vous plaindriez que j’abandonne le Corps législatif à des pressions extérieures. — Mais, crie Raspail, la garde nationale ! — L’armée, riposte heureusement Palikao, est une troupe nationale. » Sans descendre de la tribune, il présente son projet atténué de déchéance, en demandant l’urgence.

Aussitôt Jules Favre réclame l’urgence pour le projet de déchéance élaboré dans la séance de nuit. Thiers dépose le sien : « Mes préférences personnelles, dit-il, étaient pour le