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grimaud » si puissamment appuyé, se vit le 29 décembre appelé à l’honneur de sa succession.

Il fut élu à l’unanimité. D’Argenson mentionne sans commentaires le fait dans son Journal :

« Il y quelques jours que l’on fit à l’Académie Française l’élection des deux places qui vaquaient. La première a été donnée à Moncrif tout d’une voix ; la seconde a été partagée entre l’abbé Banier et M. Dupré de Saint-Maur : douze voix contre quatorze ; le dernier l’a emporté de deux voix. »

Voltaire, qui, un instant, avait songé à se présenter, s’était retiré devant si formidable compétiteur.

Bien que le marquis se taise à cet égard, la complaisance des Immortels déchaîna le scandale. L’annonce déjà de sa candidature avait provoqué contre Moncrif une injurieuse avalanche d’épigrammes. La plus anodine est encore trop grossière pour qu’on puisse la reproduire. Lorsqu’il prononça son discours de réception qui est, à vrai dire, une assez pâteuse flatterie à l’adresse de ses nouveaux collègues, multipliée d’un éloge flagorneur de son Mécène princier, le tapage redoubla.

Sous le titre de Miaou, une fort ordurière parodie de ce morceau d’éloquence courut sous le manteau. Libelles impertinens, calotines et brocards foisonnèrent à son adresse. L’ennemi de Voltaire, le cynique et vénal abbé Desfontaines, menait la sarabande.

Rendons du moins cette justice à Moncrif, qu’il fut académicien ponctuel et zélé. Durant trente-sept années qu’il occupa son fauteuil, il dirigea plusieurs fois les travaux de la Compagnie, discourut à la réception d’Armand-Jérôme Bignon et de Maupertuis, écrivit force mémoires et maintes dissertations : De l’objet qu’on se propose en écrivant, — De l’esprit critique, — Qu’on ne peut ni ne doit fixer une langue vivante, etc., etc. Tous ces menus ouvrages d’une médiocrité appliquée ne méritent rien qu’une mention rapide. Il n’est point indispensable de remuer à leur propos les cendres de l’oubli.

Être académicien peut tenir lieu de gloire ; il s’agissait à présent d’en justifier le titre.

Ce fut le temps du plus grand labeur de Moncrif. Il renonce à ses habitudes pour s’isoler dans la retraite du cabinet. Plus de carousse ni de fêtes mondaines, plus de soupers galans chez Mlle Quinault, ni d’aimable gogaille au Caveau, mais