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UNE PERSONNALITÉ RELIGIEUSE

GENÈVE
1535-1907

I
L’ÉCLOSION DE LA « CITÉ DE DIEU : »
LA GENÈVE CALVINIENNE

Je possédais autrefois des faubourgs plus vastes que la Cité, et non moins riches en temples et en édifices. Mais ma beauté, en attirant de nombreux prétendans, les encouragea à tendre des pièges à mon honneur. Alors je ne voulus pas préférer la beauté à l’honneur. J’abattis d’une main inflexible les temples magnifiques, mes maisons, mes jardins, je les convertis en boulevards destinés à repousser les brutaux prétendans. Je ruinai ma beauté pour sauver mon honneur, et de Genève la belle, je suis devenue Genève la vaillante (el pulchra et fortis facta Geneva vocor).

Nous avons dans ces distiques latins, œuvre de l’ancien prieur Bonivard, l’acte de naissance de la Genève moderne. A trois reprises, depuis 1519, le duc de Savoie avait failli prendre la ville. Genève, en août 1534, de nouveau menacée, se laissa conseiller par ses alliés bernois de se ramasser sur elle-même, de se retrancher sur sa colline, de se rapetisser en quelque sorte, pour demeurer sa propre souveraine. L’ancienne ville foraine, dont le souci primordial, durant le Moyen âge, avait été d’accueillir, plusieurs semaines par an, tout le commerce de l’Europe, renfrogna son aspect. Elle démolit ses faubourgs, elle installa tant bien que mal, et plutôt mal que