Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/387

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La foi genevoise, des siècles durant, s’était abreuvée à deux sources : l’Evangile et la Tradition. Le représentant de la hiérarchie, définitrice et dépositaire de la tradition, était déposé. Il ne restait plus qu’une seule source de la foi, l’Evangile : l’autre moitié du patrimoine chrétien était, pour Genève, de plus en plus voilée.

L’oubli s’étendit, avec une déconcertante rapidité, sur tout ce que la Genève du Moyen âge devait à ses évêques ; on ne songea plus à la crosse protectrice de cet Adhémar Fabri, qui avait rédigé pour sa ville épiscopale un admirable code de franchises ; et, comme l’écrira plus tard Rousseau, le peuple de Genève se mit à regarder « comme les anciens tyrans de sa patrie ceux qui en avaient été en effet les pères et les bienfaiteurs. » Il avait suffi de cent ans de mainmise de la Savoie sur le siège épiscopal de Genève pour abolir, dans les mémoires genevoises, de longs siècles d’histoire. Une étrange prédestination entremêle, de temps à autre, l’histoire des souverains de Savoie et celle de l’Eglise romaine : ils firent peut-être moins de mal à cette Eglise en lui enlevant au XIXe siècle le sol de Rome qu’en l’acculant à perdre, au XVIe siècle, l’âme de Genève.

On ne concevait pas, à cette époque, que, dans l’enceinte d’une ville, les âmes pussent avoir plusieurs obédiences : c’était là, au regard du droit public, une sorte d’hérésie. Il fallait opter entre la Messe et le Prêche : les autorités genevoises ne pouvaient plus se dérober. Pourquoi opter ? demanderont bientôt les paysans catholiques de Vandœuvres et de Céligny ; pourquoi ne pas tolérer à la fois messes et prêches ? Ces villageois catholiques avaient des idées trop neuves : elles ne trouvaient pas d’écho. Des attroupemens de réformés commençaient à piller les sanctuaires : l’anarchie montait. Impossible, désormais, pour les magistrats, de s’en tenir à ces prescriptions, savamment dosées, qui naguère défendaient de critiquer les sacremens, de violer les jeûnes, de vivre et mourir autrement que les pères, et qui d’autre part ordonnaient aux prédicateurs de prêcher sans mélange de fables ni d’inventions humaines et de ne dire aucune chose qui ne fût prouvée par le Saint Evangile. Ces compromis étaient, dès 1535, devenus surannés.

Entre les deux Eglises, sur la demande de Farel, une confrontation fut organisée. On l’appela la dispute de Rive. Des théologiens catholiques de second ordre s’en furent dialectiquer