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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/417

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temps qu’ils scellaient une cité, devaient semer les germes d’une Eglise universelle.

S’il en faut croire une vieille chronique, professeurs et pasteurs, au cours de cette année 1559 où de nouveau la Savoie taquinait Genève, ne faisaient qu’un bond, parfois, de leurs classes jusqu’aux remparts, pour travailler aux terrassemens, et Calvin lui-même montrait l’exemple. Voilà dans quelles heures d’histoire s’édifiait le collège : il s’édifiait à proximité des remparts, et l’on travaillait tour à tour à ces deux sortes de fortifications, celle de la ville et celle de la doctrine. Et la ville, fidèle à son geste perpétuel de retraite sur elle-même, semblait se murer contre le dehors ; et dans le collège se mûrissait le dogme, qui devait chercher, lui, à faire invasion au dehors. : En moins de quelques années, 120 pasteurs, formés à Genève, furent envoyés, de là, aux églises de France. Ce fut de cette académie de Calvin, de ce « séminaire héroïque, » comme l’appelle Michelet, que sortirent tour à tour les académies protestantes d’Orthez, d’Orange, de Saumur, de Montauban, de Sedan, de Die, les universités presbytériennes d’Ecosse ; et ce fut sous leur influence que l’Université d’Heidelberg se réorganisa. On vit parfois un millier d’auditeurs se presser aux leçons de théologie que donnait Calvin. Sous la protection du Dieu de Calvin, et du peuple de ce Dieu, l’ancienne ville épiscopale de Pierre de la Baume devenait une Rome protestante, où Calvin, une façon de pape, assumait les soucis de toutes les Églises de France.

« Qui ignore que l’Église de Genève, dressée par Jean Calvin, est comme un modèle de vrai culte à rendre à Dieu, proposée à l’imitation de toutes les nations ? » Ainsi parlait, dès 1550, le régent Enoch, directeur du collège, en tête de son livre de Grammaire. « Vous trouverez dans ce lieu, écrivait Knox quelques années plus tard, la meilleure école chrétienne qui ait paru sur la terre depuis les jours des apôtres. »

Ainsi Genève apparaissait comme une capitale du culte et de la doctrine, de la vie chrétienne et de la discipline ecclésiastique. Elle était aussi, dès lors, la capitale de la polémique antipapiste. C’est là que s’imprimaient, contre le gouvernement de Marie Tudor, le « coup de trompette. » de Knox et le traité dans lequel Goodman rappelait au peuple anglais le droit qu’ont les peuples de déposer les souverains, et spécialement les reines comme Jézabel.