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inscrivirent dans leurs statuts, avec une admirable précision, tous les principes qui ont fait depuis lors le succès de la coopération anglaise et dont la méconnaissance, lorsqu’on s’en écarta parfois, ruina toujours les successeurs infidèles à la doctrine : distribution des bonis au prorata de la consommation, achat au prix courant du commerce, intérêt fixe au capital, fonds d’éducation, etc. — Dans cette fondation proprement populaire de la coopération de consommation, le rôle de G. J. Holyoake fut celui, non d’un père, mais d’un parrain. En 1843, il était venu à Rochdale faire une conférence devant les ouvriers tisserands sur ce sujet : le self help. Il venait alors même d’écrire une série d’articles sur cet autre sujet : la coopération et la concurrence. Il fut le premier à comprendre l’importance du mouvement de Rochdale, et ne cessa de le conseiller, de le propager, de s’en faire l’avocat dans la presse, le défenseur à la tribune. Il trouva bientôt pour cette campagne des alliés inattendus dans un groupe d’hommes dont tout, à première vue, semblait devoir le séparer, et avec lesquels il resta toute sa vie dans les rapports d’une étroite affection, ce qui fait leur éloge comme le sien : les socialistes chrétiens, qui, sous la direction de F. D. Maurice, de Kingsley, de V. Neale, tous hommes respectables, très religieux, s’efforçaient alors, en se mêlant au peuple, de comprendre ses besoins, de remédier à ses maux, cherchant avant tout à améliorer l’individu pour améliorer la société selon les principes de l’Evangile, et qui, se disant ou se croyant « socialistes, » voulaient du moins « christianiser le socialisme. » Après avoir essayé sans succès de créer en Angleterre des associations ouvrières de production, ils s’étaient ralliés à la doctrine et à la pratique de la coopération de consommation, telles qu’ils les avaient vues sortir de l’expérience de Rochdale. Aux coopérateurs owenistes et libres penseurs, ils surent faire accepter avec l’appui de leur autorité, de leur expérience, de leur esprit d’ordre et de méthode, l’influence de leur haut et fervent christianisme. Ce ne fut naturellement pas sans aigreur que l’athée Holyoake vit ces nouveaux venus infuser à la coopération anglaise un sentiment religieux dont elle devait d’ailleurs garder toujours la marque ; il se révoltait à l’idée qu’à un si beau et libre mouvement de rénovation sociale on vint à donner un point d’appui « théologique. » Et pourtant, il sut non seulement garder toujours avec les socialistes chrétiens des relations cordiales, mais encore leur donner,