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régionaux, et par l’organe de son secrétaire général, l’Union fait sentir à toute la coopération britannique une autorité qui, pour être purement morale, n’en est pas moins efficace. Elle maintient les grands principes coopératifs, prévient la concurrence entre sociétés voisines, fournit aux coopératives tous renseignemens, conseils, statistiques et statuts, elle défend la coopération contre son adversaire le commerce de détail, elle poursuit au Parlement le vote des lois favorables, organise la propagande, les expositions, publie un journal très lu, les Cooperative News, elle s’attache surtout à l’éducation coopérative : à Manchester, elle a des cours secondaires de coopération, avec examens et diplômes pour les fonctions de professeur, d’auditor, etc. C’est elle enfin qui organise en Angleterre les congrès coopératifs, où toutes les questions touchant à la coopération sont examinées et discutées. Ces congrès s’ouvrent par des cérémonies religieuses et se célèbrent en grande pompe dans chacune des provinces anglaises à tour de rôle.


VI

Cet extraordinaire développement de la coopération anglaise a servi de texte, d’illustration, à certains théoriciens du mouvement, surtout sur le continent, pour édifier toute une thèse sur la toute-puissance de la coopération et annoncer au monde, comme un Evangile nouveau, l’avènement prochain de la « coopération intégrale. » Voyez, disent-ils, les admirables résultats obtenus en Angleterre, qui pourtant ne sont que l’aube de l’ère attendue. D’ores et déjà, la coopération organisée est devenue un État dans l’État, une puissance avec laquelle tous doivent compter dans la nation. Le consommateur, d’esclave, est devenu maître et souverain ; il gère par ses représentans l’industrie et le commerce, il fait la loi des échanges. Avec le règne du consommateur, voici venir une révolution économique dont les résultats sont déjà en vue : la concurrence abolie, et, en même temps que la concurrence, le profit, le fils de la concurrence ; éliminé le capitaliste, sinon le capital ; le capital lui-même mis à portion congrue, réduit au rôle de subordonné, de serviteur à gages ; supprimée la lutte entre consommateurs et producteurs, entre salariés et capitalistes ; c’est la fin de la guerre des classes. Pacifiquement, la « république coopérative »