dans une société telle que la nôtre, de toute l’influence qui échappe au médecin des âmes. On a mis au théâtre quelques chimistes, des minéralogistes et des astronomes : ils ont laissé le public indifférent. Mais on y a mis beaucoup de médecins, et toujours avec succès. Ils tiennent l’emploi de confesseurs laïques : ils sont le confident auquel on ne cache rien, le conseiller de la famille, le raisonneur. Ils ont vu beaucoup de choses, ils se sont penchés sur beaucoup de souffrances, ils ont appris à ne s’étonner de rien et à beaucoup pardonner : ils sont sceptiques et sourians. C’est dire que le type, sans être faux, est un peu conventionnel. Les médecins que nous présente M. de Curel sont tout à fait en dehors de cette convention. Et c’est leur premier mérite.
Alexandre Dumas fils aimait à répéter que le théâtre est l’art des préparations Nous devons à cette théorie les ingénieuses peintures de mœurs et les conversations étincelantes par lesquelles débutent presque toutes ses comédies. Pourtant, à l’occasion, il ne dédaignait pas cet autre procédé qui consiste à jeter le spectateur en plein drame, et on sait avec quelle maîtrise il l’a employé dans la Princesse Georges. M. de Curel, avec la brusquerie qui est dans sa manière, ne pouvait être l’homme des lenteurs savantes : il tient pour l’exorde ex abrupto. Rappelez-vous la situation effroyable posée dès le premier acte des Fossiles. Je ne sais si le cas qui nous est asséné dès les premières répliques de la Nouvelle Idole n’est pas encore plus horrible. Nous avons appris, par un rapide dialogue entre comparses, l’accusation qui pèse sur Albert Donnat : il fait servir ses malades à des expériences, il leur inocule le cancer. Mais ce genre d’expériences sur des êtres humains n’est pas admis par les lois, et le fait s’est ébruité ; on s’attend à une descente de justice : un scandale va éclater. Donnat ne cherche d’ailleurs pas à nier son crime, et ii conteste seulement que ce soit un crime. Au contraire, il affirme hautement qu’il use d’un droit, qu’il accomplit un devoir. Il est en pleine sérénité de conscience : aucun doute ne l’a jamais effleuré. Il choisit, bien entendu, des malades dont l’état est désespéré ; il sait l’heure exacte qui marquera la fin de leur agonie ; il leur inocule un mal dont l’évolution dépasse le temps fixé à cette agonie : il n’abrège donc pas d’un instant des existences condamnées et peut-être par-là arrivera-t-il à préserver des milliers d’existences. Qu’a-t-il à se reprocher ?
On introduit justement une de ces malades, devenues chair à expériences, une jeune fille, novice dans un couvent, Antoinette. Un bouton qui vient d’apparaître, à la hauteur du sein, prouve que le