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feux, et, ainsi, de prendre avantage sur elle dès le début du combat. Mais, dans une telle conjoncture, il ne faut pas se faire illusion sur le sort qui attend les flottilles. Si leur mise en jeu peut en effet produire le résultat désiré, à quel prix cet objet sera-t-il atteint ! Combien de torpilleurs reviendront-ils après cette charge qui, si rapide, si bien conduite qu’elle soit, les exposera pendant dix, quinze, peut-être vingt minutes à un feu violent des canons moyens et légers de l’adversaire, sans parler des coups égarés de leur propre parti ?… Et il sort de là, d’une manière évidente, qu’une tactique de ce genre, — très admissible, très défendable en soi, — suppose l’emploi des torpilleurs en grandes masses, non pas seulement quatre pauvres flottilles de six unités chacune, mais huit ou dix, au moins. Cela ne ferait encore que 60 torpilleurs d’escadre (dont bon nombre de 300 tonneaux seulement), alors que la première Home fleet en présente 84[1]et l’armée navale allemande un nombre à peu près égal[2], mais tous, anglais et allemands, plus forts que les nôtres.

Cette marche d’approche si dangereuse, au commencement de la bataille, sous une pluie d’obus et d’explosifs, pourrait-elle être entreprise, du moins, par les grands sous-marins, ou submersibles que l’on attache maintenant aux escadres ? Sans doute, et avec de meilleures chances, au point de vue de la sécurité, mais non pas, certainement, au point de vue de l’efficacité de l’attaque. En effet, pour que ces bâtimens puissent arriver à bonne distance de lancement, — mettons 1 200, 1 500 mètres[3], — d’une ligne qui se meut rapidement et qui va évoluer, peut-être, d’une manière déconcertante, il faut qu’ils disposent d’une grande vitesse en plongée, qui exige une très grande vitesse en surface. Les types actuellement en service n’en sont pas là : ils donnent 12 nœuds et 8 nœuds. Ceux que l’on construit en ce moment iront jusqu’à 18 nœuds et 12 nœuds, mais déjà leur taille s’est bien accrue, car vitesse signifie déplacement, pour eux surtout. En somme, il ne parait pas que l’on puisse prévoir la

  1. En quatre flottilles de 20-24 « destroyers, » conduites par des Scouts, croiseurs légers de 2 000 à 3 000 tonnes et de 25 à 26 nœuds. — Les « Home fleets » disposeraient encore des « destroyers » des flottilles de patrouille.
  2. 7 flottilles de 11 unités, plus 1 unité pour le commandant de la flottille.
  3. On peut lancer de plus loin ; mais on ne le fait guère qu’avec des types de torpilles plus forts que ceux qui sont en service, actuellement, chez nous. D’ailleurs, d’un sous-marin la visée serait fort difficile à 5000 ou 6 000 mètres. J’ajoute qu’on ne tirera à de telles distances que sur des groupes de bâtimens, comme je vais le dire tout à l’heure.