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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/608

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et de vert, occupe le milieu de l’édifice. De chaque côté, sont deux boudoirs tapissés de satin violet semé d’étoiles, ou pour mieux dire deux petits temples, contenant l’un le buste en marbre de l’Empereur, l’autre celui de sa sœur Elisa. Après avoir traversé ces boudoirs, en tout pareils, une quantité de salons tous plus beaux les uns que les autres nous conduisent à une délicieuse chambre à coucher, tendue de gros de Naples bleu de ciel, puis à un boudoir en moire blanche orné de draperies rose et argent. Cet appartement ouvre lui-même sur une salle colossale dont le plafond et le pourtour sont peints à la fresque de la manière la plus élégante : des statues de marbre, les bustes et les portraits des personnes de la famille le remplissent. Ce sont : l’Impératrice mère, la princesse Pauline, l’Empereur peint par Gérard, sa statue, sculptée par un élève de Canova. Un immense tableau représente la cour de la grande-duchesse Élisa : elle est sur un trône, son mari debout près d’elle et les personnages de leur cour les entourent, tous, dit-on, très ressemblans.

Le marquis Zappi et la marquise Pepoli sont les convives priés en même temps que nous par M. Bacciochi. Après dîner les charmans bambins Joachim et Caroline dansent le galop, puis un ballet qu’ils ont vu au théâtre et qu’ils imitent fort gentiment. L’air italien de Papatacci, que j’accompagne ensuite, est déplorablement chanté par MM. Eugène Lebon, Cattaneo et Lente, gouverneur de M. Félix Bacciochi. M. Lente est allemand dans toute l’étendue du mot ; il est ravi de rencontrer quelqu’un de Strasbourg et de pouvoir me dire à cœur ouvert tout le mal qu’il pense des Italiens. Leur paresse, leur fourberie, leur immoralité jurent pour lui avec le bon sens, la droiture, l’industrie de ses compatriotes. Les gens qui traduisent leur pensée dans un langage qu’ils parlent peu y donnent ordinairement une énergie qui plaît ; il m’a amusée, et, par quelques mots échangés avec lui dans sa langue, je lui ai procuré le plaisir de se rapprocher un instant par la pensée de Fulden, sa chère patrie.

Le prince Louis, comme s’il avait deviné M., Lente et s’il voulait le rétorquer, a récité des stances italiennes qui respirent le plus pur patriotisme et qui montrent que le sentiment national s’éveille ici dans bien des cœurs.

La soirée s’est terminée au théâtre. La loge de M. Bacciochi,