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La Reine a été mécontente de voir son fils et son neveu cabaler avec le public. Les Princes se sont défendus d’avoir voulu faire autre chose qu’une petite manifestation contre l’autorité.


Florence, 1er novembre.

M. et Mme Pepoli, le jeune Félix et son gouverneur sont venus dire adieu à la Reine et nous ont mis en voiture à dix heures.

Les environs de Bologne sont charmans. Nous avons gravi d’abord la colline si bien semée de palais, de maisons délicieuses ; c’est une élégance de construction dont on n’a pas l’idée en France. La journée s’est passée ensuite à monter et à descendre dans un fort vilain pays ; j’ai marché un moment avec le Prince, puis seule. Les vents sont si terribles dans ces montagnes, qu’il y a un endroit où les voitures étaient entraînées par des tourbillons ; on a dû faire une forte muraille pour prévenir ces accidens et mettre la route à l’abri.

Le triste gîte de Caburaccio laissé derrière nous, nous traversâmes une région de neige et de froidure pour retrouver, quelques heures après, la chaleur et le soleil de l’été. La vue, au sortir des montagnes, est superbe ; mais la plaine où l’on parvient ne montre d’autre verdure que celle de pâles oliviers, aux rameaux frêles et pendans. La route poudreuse est resserrée entre de longs murs, qui me faisaient regretter la fraîcheur de notre riant Jura. Ils sont si élevés qu’ils ne laissent voir que le ciel et l’on arrive à cette Florence la Belle sans que son aspect ait en rien plu ou charmé.

A peu de distance de la ville, nous avons rencontré le prince Napoléon-Louis qui venait au-devant de son frère et de sa mère. Il est parfaitement élégant et gracieux, surtout à cheval. C’est l’Empereur en jeune et en beau. Il a le teint de sa mère, des cheveux noirs, une physionomie expressive, infiniment de distinction dans l’esprit, de force dans la raison, de justesse et de vivacité dans les idées. La physique et la mécanique sont ses grandes passions. Il a dressé les plans d’une papeterie, où toutes les machines sont de lui, et dont les produits sont excellens ; il en apportait à sa mère des échantillons. On lui doit aussi un nouveau procédé de fabrication de l’acier, dont il compte faire bientôt l’application en créant une manufacture d’instrumens