Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pointant vers le ciel, il a grand air et fière allure de prince.

Que se passa-t-il, au juste, entre Philippe-Auguste et lui, vers l’année 1211, avant le mariage de Jeanne de Flandre et de Ferdinand de Portugal ? Il est facile de parler de trahison préconçue, de manœuvres spontanées auprès de Jean sans Terre et d’Othon. Les textes probans, sur ces points, semblent bien faire défaut. Et puis, quel risque, pour un douteux profit ! Le seul fait tangible est le suivant. Une guerre privée éclate entre l’évêque de Beauvais, de la branche royale des comtes de Dreux, et la comtesse de Clermont, pour qui Renaud, son parent, prend violemment parti. Une vieille haine subsistait entre lui et tout le lignage de Dreux, auquel appartenait sa première femme répudiée pour la belle Ide. Des influences paraissent s’être exercées sur le Roi, sans doute indisposé de quelques imprudences dont on lui dénature la portée. Peut-être aussi, pour l’opération déjà prévue contre l’Angleterre, avait-il besoin des ports du Boulonnais, dont il pouvait soupçonner le comte de songera lui marchander l’usage. Le motif allégué pour la rupture, à savoir les travaux exagérés de fortification et de mise en armes exécutés par Renaud dans sa possession lointaine de Mortain, présente toute l’apparence d’un prétexte cherché. Ce qui tendrait à le prouver, c’est que le comte de Boulogne fut sommé de livrer la place par mandataire, en lui déniant la faculté de la remettre en personne. Sans doute redoutait-on, auprès de Philippe-Auguste, la persuasion de sa parole et de ses manières, comme aussi le rappel d’anciens souvenirs de jeunesse, si puissant sur les princes qui mûrissent. Quoi qu’il en soit, devant son refus d’opérer la remise de Mortain par d’autres mains que les siennes, devant son exigence obstinée d’un sauf-conduit préalable, lui permettant de pénétrer sur le domaine royal pour effectuer personnellement la livraison, ses fiefs sont saisis, Mortain d’abord, puis Dammartin, puis Aumale et le Boulonnais ; Renaud et la belle Ide s’enfuient chez le comte de Bar, leur parent. La cassure est maintenant définitive. Les deux anciens camarades de jeunesse, dans le plein de leur expérience, vont engager l’un contre l’autre une lutte sans merci.

C’est à ce moment, dans l’hiver de 1212, que la comtesse de Flandre et Ferdinand son époux, au lendemain de leur mariage, se voient frustrés d’Aire et de Saint-Omer. Le terrain se trouvait bon pour la semence. Tout de suite, ulcéré, menaçant, infatigable,