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capétien. Le printemps de 1214 les apporte et les pousse. L’un monte du Sud vers la Loire, l’autre grossit et envahit tout le ciel au-dessus de la frontière impériale et flamande. Tous deux tendent à se rejoindre et à fusionner leurs éclats.

Les mois qui précèdent ont accentué la crise et resserré la coalition. La Flandre d’abord conquise en huit jours, puis toute la force navale de France détruite par la flotte anglaise dans les bouches de l’Escaut, la Flandre même bientôt perdue, sauf Lille, Douai et Tournai, le comte Ferrand portant au roi d’Angleterre l’hommage de son fief, une armée britannique, en conséquence, installée en pays flamand, tels sont les événemens rapides et mouvementés qui se précipitent depuis la surprise de Boulogne. Au cours de l’hiver, au retour de la belle saison, les plans des alliés se sont étonnamment précisés. Il faut que Philippe-Auguste, accablé sur deux faces, soit au moins ramené aux (possessions étroites du début de son règne. Il conviendrait au besoin que l’Etat capétien, démesurément élargi par lui, disparaisse à son tour. Les coalisés ont prévu le morcellement et choisi d’avance leurs lots.

Vers la mi-février, Jean sans Terre débarque à La Rochelle. « Je vous amènerai de telles forces, » a-t-il écrit au vicomte de. Thouars, grand feudataire poitevin ouvertement acquis à sa cause, « que vous ne le croirez pas avant de les avoir vues. » Vers Pâques, il est installé à Limoges et à Angoulême, comme s’il en eût toujours été le souverain. En vain Philippe-Auguste, accouru de Paris pour lui faire tête, mais serré par le temps qui exige son retour, a-t-il essayé de le joindre et de le contraindre au combat, il s’est dérobé jusqu’aux abords de Bordeaux. Et le Capétien une fois remonté vers le Nord pour parer à de plus pressans dangers, il a repris son itinéraire vers la Loire. Le Poitou, maintenant, le reconnaît. Les Lusignan, ses ennemis personnels, auxquels voici quatorze ans il a ravi une fiancée, se déclarent ses hommes. Vers la Touraine, où le surveille le prince Louis qui se tient à Chinon, il occupe et conserve Moncontour. A la mi-juin, il passe la Loire à Ancenis, remonte le val du fleuve et se loge à Angers, alors sans remparts et démantelé.

Chemin faisant, sur la rive du Nord, au-dessous d’Angers, il a dû négliger en passant la forteresse de la Roche au Moine, clef du fleuve et de sa route, Château-Gaillard de la Basse Loire.