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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/665

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existent aussi, en Egypte : des grecques, des italiennes, des anglaises, des allemandes, des autrichiennes… Or, le fait à expliquer, c’est que ces écoles n’attirent, le plus souvent, que les enfans de leurs propres nationaux, — quand ils ne viennent pas aux nôtres, — et que les Egyptiens recherchent presque exclusivement les écoles françaises. Pourquoi donc les Français ! ont-ils réussi ? Pourquoi, par exemple, les congrégations italiennes, qui s’évertuent, elles aussi, en faveur de leur patrie, n’ont-elles pas obtenu des résultats analogues ? Pourquoi, de tous les Européens qui luttent pour l’influence prépondérante, est-ce nous qui l’emportons sans même céder le pas — tant s’en faut, — à l’Angleterre, qui, pourtant, détient la puissance politique et administrative ?

En réalité, la réponse à faire à cette question n’est pas simple. Il faut invoquer une série de causes.

Au nombre des raisons lointaines et d’ordre général, il faut compter la longue continuité de notre action historique dans le Levant. Les Croisades, les liens traditionnels de nos rois très chrétiens avec le grand Turc, et le Protectorat des chrétiens d’Orient qui en résulta, sont les fondemens politiques incontestables de notre prestige, dans ces pays où les souvenirs se transmettent de siècle en siècle. Les préséances de nos agens diplomatiques, les prérogatives de toute sorte que le temps et ‘les traités ont accumulées en notre faveur dans l’Empire ottoman, étaient là, d’ailleurs, pour appuyer et renforcer à tous momens ces sentimens ; et, en Egypte, s’y ajoute encore le souvenir de Napoléon, très vivant parmi les indigènes, qui restent pleins de respect pour ce témoignage presque légendaire de la force française.

Cette longue influence politique ne suffirait pas, il est vrai, à expliquer la diffusion de notre langue, ni en Egypte, ni dans le reste de l’Orient. Elle y a aidé, certes, et elle a préparé les voies. Mais il faut y ajouter l’action des besoins pratiques et des intérêts mis en éveil par les relations commerciales, aussi anciennes que les autres. Le trafic de notre pays, surtout celui de Provence et de Languedoc, est depuis si longtemps tourné vers le Levant, que l’avantage fut bientôt certain de connaître’ la langue de ces Francs, grands vendeurs et gros acheteurs.

Précieux pour traiter les affaires, le français ne le fut pas, moins dans le cas des difficultés juridiques et des procès que, en