Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/668

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nationaliste et anti-anglaise, la pratique de notre langue est une forme de protestation contre l’occupation britannique.

Mais, pour la masse, il y a aussi l’intérêt, la nécessité plus impérieuse chaque jour, de connaître une langue que, pour des raisons diverses, de plus en plus le monde parle tout autour de la Méditerranée, qui est la deuxième langue officielle de l’Empire ottoman, et qui ouvre le monde des affaires. Et puis, — il faut tout dire, — pour ceux qui voyagent, et ils sont nombreux, il y a l’agrément de se sentir à l’aise dans cette France où l’on vient tant, et de pouvoir aborder plus commodément Paris, ses théâtres et ses plaisirs par l’attraction desquels nous rayonnons aussi sur le monde.

Quelle que soit, d’ailleurs, la multiplicité convergente des raisons sur lesquelles s’appuie et par lesquelles s’explique la puissance de diffusion et la vitalité de notre langue en Egypte, le fait est là, incontestable et presque miraculeux. Par lui, — cela est certain, — nous possédons encore une large et incomparable base d’influence et d’action. Mais il s’agit maintenant d’examiner quel peut être l’avenir de ce présent encore si brillant.


Dans les luttes des peuples pour leur expansion, il n’est situation si solide qu’elle n’exige d’être âprement défendue. Tout paraît encore porter l’Egypte vers notre langue et vers notre culture. Nous avons, à cet égard, dans ce pays, une position incomparablement plus forte que celle de toute autre Puissance. Mais encore faut-il, pour que ce mouvement dure, que ne viennent pas à disparaître certaines des causes fondamentales qui le favorisent. Et encore faut-il aussi que nous ne nous heur-lions pas à des forces antagonistes capables d’enrayer son élan.

Il faut donc se demander, avant tout, quelles peuvent être les conséquences de l’accord franco-anglais de 1904. La mainmise définitive de la Grande-Bretagne sur l’Egypte ne fait-elle pas un contrepoids formidable à notre expansion spontanée, et n’a-t-elle pas déterminé un irrésistible mouvement vers la langue anglaise aux dépens de la nôtre ? Quelles sont, au surplus, et surtout, les dispositions que les Anglais manifestent à notre égard ? Voilà les questions qui se posent immédiatement.

Au lendemain de la signature de l’accord de 1904, presque