Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/705

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je commençais à craindre que les « libéraux » de nos jours n’eussent à m’opposer que la réponse du silence. Mon livre est vieux de trois ans, et c’est la première fois qu’une plume libérale le discute. Si l’étude de M. Albert-Petit était une étude originale, je ne me permettrais pas de vous demander d’insérer cette lettre. Mais cet article n’est qu’un compte rendu de mon ouvrage. Son auteur n’est informé des faits que par moi. Il m’emprunte jusqu’aux citations qu’il fait des autres écrivains. Il ne m’a rien ajouté et il a pensé me critiquer en m’opposant à moi-même. Vous estimerez donc, Monsieur le Directeur, que je suis autorisé, dans ces conditions, à user du droit de réponse que me confère la loi.

M. Albert-Petit a donné de mon livre, de ses thèses et de ses argumens une idée incomplète et partant inexacte. Il n’a pu me réfuter qu’en passant sous silence tout ce qui dans mes recherches le gênait : je veux rétablir la vérité.

M. Albert-Petit m’accorde, — et c’est un grand point, — que j’ai prouvé que l’ensemble de l’épiscopat, dirigé par l’archevêque d’Aix Boisgelin, désirait que le Pape procurât les moyens canoniques d’exécuter la Constitution civile du clergé. Il aurait pu ajouter que les évêques ont blâmé au fond de leur cœur les brefs de condamnation, qu’ils ont d’abord gardé secret le premier de tous, le plus doctrinal, celui du 10 mars, et qu’ils ne l’ont publié qu’en lui opposant en quelque sorte une réponse publique qui contenait plus que des réserves mais presque des critiques.

Si la rupture s’est donc produite, — nous sommes M. Albert-Petit et moi d’accord sur ce point, — ce ne fut pas de la faute des évêques, ce fut contre leur gré. Je pense, moi, que le Pape eut une grande part de responsabilité dans cette rupture. M. Albert-Petit croit, avec les écrivains traditionnels, que tous les torts sont du côté des Constituans.

Pour absoudre le Pape, mon contradicteur use d’abord d’un argument singulier, d’un argument qui témoigne d’une absence regrettable de sens historique. D’après lui, c’est une chose vaine et ridicule de se demander si la Constitution civile du clergé aurait pu être rendue canoniquement exécutoire. « La question de la Constitution civile était évidemment ( ! ) de celles dont le chef de l’Eglise a le droit de se croire souverainement juge. S’il estimait l’œuvre de la Constituante incompatible avec son