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l’autorisation de la résoudre par un concile national, c’est-a-dire sans le Pape. Le Pape lui-même était si peu certain du droit souverain, que lui attribue généreusement M. Albert-Petit, que, dans ses négociations avec le Gouvernement français, il se retranchait constamment derrière l’avis des évêques de France, avis qu’il connaissait fort bien mais qu’il feignait d’ignorer. En vérité, mon critique est plus papiste que le Pape et cela n’a rien d’étonnant.

Ce que M. Albert-Petit ne veut ou ne peut pas voir, c’est qu’alors, à la fin du XVIIIe siècle, l’épiscopat était encore quelque chose dans l’Eglise. L’épiscopat allemand venait d’élaborer la punctation d’Ems. L’épiscopat italien, par la plume de Scipion Ricci, au concile de Pistole, venait de protester contre l’absolutisme romain. L’épiscopat français, dont une bonne partie refusera sa démission à Pie VII, au Concordat de Napoléon, n’a recouru au Pape pour baptiser la Constitution civile que parce que la Constituante, — par une maladresse insigne, — ne lui a pas permis de se réunir au Concile. Voilà un fait grave dont M. Albert-Petit n’a pas compris la signification et qu’il a écarté au début.

La Constitution civile du clergé, qui rendait à l’Eglise de France son autonomie, n’était pas forcément schismatique au regard du droit canonique alors en vigueur. Elle l’était si peu que, même après sa condamnation dogmatique, le Pape ne fulminera pas l’excommunication dont il avait menacé les prêtres jureurs et que ceux-ci seront réintégrés de plano dans l’Eglise au Concordat.

Pour absoudre le Pape, M. Albert-Petit ne voit pas qu’il est obligé de condamner les évêques de France et, s’il ne condamne pas les évêques, comment peut-il condamner les Constituans ?

Son argumentation est déconcertante. J’ai suivi pas à pas dans mon livre, — les brefs du Pape, les lettres du nonce, les dépêches de Bernis, les écrits des évêques à la main, — l’évolution du conflit. J’ai recherché chaque fois les pensées véritables des acteurs en présence. Mon analyse psychologique est-elle en défaut ? M. Albert-Petit, au lieu de m’attaquer sur ce terrain, — comme il l’aurait dû en bonne logique, s’il avait voulu prouver mon erreur, — se borne à m’opposer des dates qui, détachées de leurs circonstances, perdent toute signification quand elles n’en prennent pas une radicalement fausse.

Le Pape a attendu neuf mois avant de condamner