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Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/719

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nos deux pays continueront à jouir des bienfaits de la paix, assurée par la plénitude de leurs forces, en serrant toujours davantage les liens qui les unissent. » On remarquera l’affirmation que la paix est assurée aux deux pays par « la plénitude de leurs forces. » S’il est résolument pacifique, l’empereur Nicolas sait néanmoins que la paix n’est assurée qu’aux forts et c’est pourquoi la Russie, pendant que nous rétablissions chez nous le service de trois ans, a travaillé avec une admirable énergie au développement de sa puissance militaire. Elle a, sur nous et sur toutes les autres nations de l’Europe, l’avantage de disposer de ressources en hommes presque illimitées, et ces ressources, qui pourraient trouver une entrave dans leur quantité même, elle s’applique à les organiser, à les instruire, à les armer, à en préparer la mobilisation toujours plus rapide. Le jour où les deux pays auront également mis en œuvre « la plénitude de leurs forces, » la paix du monde aura une garantie de plus. Au langage de l’Empereur, M. Poincaré a répondu en termes simples, précis et forts comme les siens. « Fondée, a-t-il dit, sur la communauté des intérêts, consacrée par la volonté pacifique des deux gouvernemens, appuyée sur des armées de terre et de mer qui se connaissent, s’estiment et sont habituées à fraterniser, affermie par une longue expérience et complétée par de précieuses amitiés, l’Alliance dont l’illustre empereur Alexandre III et le regretté président Carnot ont pris la première initiative, a donné la preuve de son action bienfaisante et de son inébranlable solidité. Votre Majesté peut être assurée que, demain comme hier, la France poursuivra dans une collaboration intime et quotidienne avec son alliée l’œuvre de paix et de civilisation à laquelle les deux gouvernemens et les deux nations n’ont cessé de travailler. » Le parallélisme des discours est une loi de ce genre oratoire, mais on aurait tort d’y trouver une simple répétition : il y a là une harmonie voulue qui indique l’alliance des pensées et des sentimens à côté de celle qui résulte des traités.

L’alliance franco-russe mérite-t-elle ce qu’on en a dit au banquet de Péterhof ? On a répondu par avance à cette question en rappelant quel a été son caractère constant. A-t-elle jamais menacé la paix du monde ? A-t-elle émis des exigences incompatibles avec les intérêts ou la dignité des autres Puissances ? S’est-elle montrée intransigeante lorsqu’elle s’est trouvée en conflit avec l’une d’elles ? A-t-elle parlé de sa force avec arrogance et essayé de faire prévaloir ses intérêts légitimes par l’intimidation ? À ces questions, la conscience du monde a répondu. Que demandent aujourd’hui la France et la