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des deux assemblées a conservé ses positions jusqu’au dernier moment. Il fallait pourtant en finir, sous peine de ne pas voter le budget. On a transigé. Le Sénat a proposé que le Trésor se récupérât purement et simplement des sommes qu’il aurait perdues par la faute du contribuable défunt et la Chambre s’est contentée de cette solution. Mais croit-on qu’elle y ait donné une adhésion sincère et définitive ? Ce serait la mal connaître. Pressée par le temps, elle a consenti à un simple ajournement : elle a voté une motion en vertu de laquelle le gouvernement devra, dans le budget de 1915, reprendre le jugement des morts et en faire retomber la peine sur les vivans. M. le ministre des Finances s’est engagé à respecter et à réaliser cette volonté de la Chambre. Trouvera-t-il alors la résistance du Sénat aussi résolue, aussi inébranlable qu’elle vient de se manifester ? Nous le souhaitons et même nous l’espérons. A quoi servirait le Sénat s’il ne s’opposait pas jusqu’au bout à une pareille énormité ?

C’est d’ailleurs la seule occasion où il ait montré quelque énergie : sur tout le reste il a capitulé. Il a eu une velléité de résistance, mais il ne l’a pas poussée bien loin, au sujet d’une autre affaire qui n’avait pas un grand intérêt matériel, car la dépense financière n’était pas considérable et nous dirions même qu’elle était insignifiante si une dépense quelconque pouvait l’être aujourd’hui : nous voulons parler de l’augmentation à accorder aux sous-agens des postes. On sait comment ils l’ont revendiquée : ils se sont mis en grève et ont arrêté pendant toute une journée la distribution des lettres à Paris. M. Thomson, ministre des Postes, est allé parlementer avec eux et sur le moment n’en a rien obtenu : cependant, à la réflexion, ils ont pensé qu’ils en avaient assez fait pour produire l’effet d’intimidation sur lequel ils comptaient et qu’il serait prudent de leur part de ne pas aller plus loin pour le moment. M. Thomson leur avait d’ailleurs fait de si belles et de si abondantes promesses ! Il fallait maintenant les tenir et on les a tenues. M. Thomson a parlé au Sénat d’engagemens antérieurs qui auraient été pris vis-à-vis des postiers : quand ? où ? comment ? de quel droit ? il ne l’a pas précisé, mais il a assuré que le Sénat devait docilement y souscrire, comme l’avait fait la Chambre. Ces engagemens ont-ils jamais été pris ? On n’en sait rien : M. Thomson a dit que les sous-agens avaient pu le croire et que, dès lors, le gouvernement et les Chambres étaient tenus de faire de ces promesses plus ou moins vagues une réalité budgétaire En vérité, on croit rêver en entendant de pareilles choses ! Suffit-il donc qu’un ministre, dans un de ces momens de défaillance qui sont