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tenir là. Sous des influences qu’il serait bien long d’analyser, elle a éprouvé le besoin d’aller se chercher des ancêtres un peu plus éloignés et d’une réputation plus mondiale. Elle les a trouvés sans peine dans la pléiade de savans qui, à l’époque de la Renaissance, opposait à l’esprit platonicien l’esprit expérimental et l’amour passionné de la nature, les Galilée, les Giordano Bruno, les Léonard de Vinci, les Vanini, les Cesalpini, les Pomponazzi, tous mis un peu pêle-mêle dans une sorte de panthéon philosophique, ayant au-dessus d’eux tous Vico, dont l’obscurité se prête à des interprétations assez diverses. Les contemporains trouvaient chez les uns et chez les autres les antécédens d’une manière de voir qui ne cesse pas de leur plaire beaucoup, au gré de laquelle on peut à volonté séparer ou rapprocher les négations et les croyances, le panthéisme et l’adoration vague d’un Dieu personnel, la célébration de la libre pensée et la persistance d’aspirations mystiques, — sans compter celles qui sont purement superstitieuses, — une grande prédilection pour les hérétiques et les modernistes et un attachement plus solide qu’il n’en a l’air à la hiérarchie ecclésiastique dont on sait toujours très à propos tirer parti.

Toute une suite de doutes où le désir d’être plus clair et plus conséquent avec soi-même que beaucoup d’autres a eu certainement une part qu’on s’explique, — a amené M. Ardigo à arborer le drapeau du positivisme et à soutenir une longue campagne empiriste. Ancien chanoine de la cathédrale de Modène, puis professeur de philosophie à l’université de Padoue, maintenant sénateur, M. Ardigo n’a conservé aucunes idées spiritualistes, les a toutes combattues avec beaucoup de calme d’ailleurs et même beaucoup d’onction dans son langage. Son successeur, qui est son disciple, son ami, son fils spirituel, cite de lui un texte où il semble vouloir résumer toute la doctrine du maître : « Le fait est divin, le principe est humain. » Parole prétentieuse et vide, il faut bien avoir le courage de le dire : car s’il n’y a rien que d’humain, il n’y a pas de principe du tout, et si tout est fait, il n’y a évidemment rien de divin. Mais réduire tout au fait, au fait brut, ce n’est pas de la philosophie, ce n’est pas du positivisme, ni de l’esprit positif, comme l’entendait Auguste Comte.

A peu de distance de Padoue, on saura très bien vous expliquer (malgré des lacunes) comment il est plus facile de répéter