Rome, 17 novembre.
Les montagnes des Apennins sont tristes, peu sûres, et comme la fin de notre étape se faisait à la nuit, lanternes allumées, la Reine a pris peur et demandé deux dragons d’escorte. Avec le prince Louis, les trois domestiques et les quatre postillons, cela nous faisait bien du monde ; il est vrai que ceux-ci méritent peu de confiance et qu’ils s’entendent d’ordinaire avec les brigands.
Le pays n’est redevenu joli et pittoresque que lorsque l’obscurité ne nous permettait plus d’en jouir. Il était huit heures du soir, et nous arrivions aux bords boisés du lac de Bolsena. Après un mauvais souper, dans une mauvaise auberge, nous eûmes hâte de nous coucher. Nos commensaux étaient une baronne française et sa fille, faisant route pour Rome, et neuf jésuites venant aussi de France. Les ultras voyagent seuls cet hiver, parce qu’ils fuient la Révolution ; les autres se tiennent cois chez eux, dans l’attente des événemens.
A cette auberge de Bolsena, le prince Louis a su, par un postillon, que son père, revenant à Florence, avait couché à Viterbe ; il est parti aussitôt au-devant du Roi, à franc étrier. J’ai pris sa place à côté de la Reine jusqu’à Montefiascone. Là, les voitures du Roi et de la Reine se sont rangées roue contre roue, sans que l’un ni l’autre descendit ; je me suis écartée, afin de les laisser causer. Le Roi a une très belle tête ; mais il est goutteux, a pris beaucoup d’embonpoint et marche avec difficulté. Son fils Louis lui ressemble, surtout du haut du visage ; le profit est tout à fait le même. C’est des yeux, de la bouche et de la physionomie seulement que le Prince tient de la Reine. Le Roi le réclame et veut qu’on le lui renvoie bientôt.
La Reine paraissait triste après cette entrevue, si froide, si courte, qu’elle appréhendait, qu’elle avait tout fait pour éviter, et qui n’est qu’un malentendu de plus entre elle et son mari. Elle porte ainsi la peine d’une union malheureuse, que la politique avait imposée, que le cœur n’a pu admettre, dont ni l’exil, ni le temps, ni l’infortune commune n’ont rendu les liens tolérables aux deux époux.
C’est dès 1808 qu’ils se sont définitivement séparés, la Reine habitant Paris, et le Roi, La Haye ; il y réclamait Napoléon-Louis, alors âgé de quatre ans, et s’autorisait pour le faire du