Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/9

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
LA FIN DE L’EMPIRE[1]


IX

Xerxès est parti pour attaquer la Grèce. Qu’est devenue sa resplendissante armée ? Les pères et les épouses comptent les jours en tremblant : est-ce la flèche rapide du Perse qui a vaincu ? la lance acérée du Grec est-elle triomphante ? Enfin un courrier apparaît ! « O villes qui couvrez toute la terre d’Asie, ô Perses ! ô vaste palais, séjour de l’opulence ! Comme un seul coup a flétri tant de prospérités ! La fleur des Perses est tombée, elle a péri. O douleur ! ô triste sort d’être chargé d’apporter le fatal message ! Pourtant il faut parler, il faut, ô Perses, vous dérouler toute notre infortune : l’armée a péri tout entière ; oui, c’en est fait de l’armée. » Alors une immense clameur de désolation, sortie de toutes les poitrines, s’élève vers les dieux : « Hélas ! notre armée a péri. Pleurons, gémissons, livrons nos âmes à la douleur, remplissons l’air de lugubres accens de deuil, pleurons ! Élevons nos tristes voix, nos clameurs lamentables ! La puissance du Roi a péri, la puissance des Perses est détruite…, la contrée reine est abattue sur ses genoux. Nos malheurs dépassent tous les malheurs. O Perse ! pousse un cri de douleur ! Poussons des sanglots ! des sanglots, des sanglots encore ! »

Les plaintes pathétiques du poème antique peuvent seules exprimer la désespérance et la stupeur qui, à l’exception de ceux dont l’espérance était dans l’immensité même de la catastrophe, remplit nos cités et nos foyers à la nouvelle que l’armée de Mac Mahon avait capitulé et que l’Empereur était prisonnier.

  1. Voyez la Revue du 15 juin 1814.