Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 22.djvu/947

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

jours les choses humaines ; tandis que d’autres de ces pratiques nous feraient vraiment supposer, à la fois chez les chefs qui les commandent et les subordonnés qui se complaisent à les exécuter, l’inquiétante « folie des grandeurs » dont parlait tout à l’heure l’ex-capitaine prussien. C’est comme si, à force de se sentir supérieurs au reste des hommes, les officiers allemands avaient fini par dédaigner le vain souci d’une défense nationale dont jamais plus l’occasion ne surviendrait pour eux : sans autre pensée, désormais, que de continuer à se rendre dignes de l’humble admiration des « civils » en éblouissant ceux-ci du spectacle de leurs exploits de parfaits « dresseurs d’hommes. »

Encore s’en faut-il que, au jugement du capitaine Pommer, ce « dressage » s’accomplisse parmi des conditions capables de le rendre efficace et durable. « Le jeune enseigne apprend, dès l’école militaire, toute sorte de procédés stratégiques dont il ne pourra faire usage que trente années plus tard, à partir du grade de lieutenant-colonel : mais de la manière dont il convient de traiter et d’instruire les subordonnés, de cela personne à l’école ne lui souffle mot, ce qui ne l’empêche pas, ensuite, au régiment, d’avoir pour première occupation professionnelle la transformation de paysans ignorans en de précieux défenseurs de la patrie. L’on ne saurait trop s’étonner du maintien, dans notre armée, de l’habitude désastreuse qui consiste à charger de l’instruction des recrues les plus jeunes officiers du régiment, pour épargner aux lieutenans la fatigue d’une tâche aussi importante. Il est vrai que le maintien de cette habitude a également pour cause le manque d’officiers, dans les régimens de la frontière : mais il n’en serait pas moins à désirer que, toutes les fois que la chose est possible, les plus anciens capitaines eussent à surveiller l’instruction des recrues. »

Pour ne rien dire de l’influence croissante du « favoritisme, » de ces « relations avec la capitale » qui, seules, procurent à l’officier la tranquillité présente avec l’espoir d’une prompte fortune, à chaque page, le capitaine Pommer nous cite des exemples nouveaux de l’immense avantage que constitue, pour un officier, la qualité de parent ou de protégé de quelque « gros bonnet. » « J’ai pu constater personnellement à maintes reprises, nous dit-il, que, même dans des postes où il s’agit de résoudre des questions de pure technique militaire, parvenaient à se glisser nombre d’officiers pour lesquels la technique des armes, la balistique étaient absolument une terra incognita. La faveur remplit jusqu’aux places qui devraient lui être le plus strictement