Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/124

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. Ribot aux Finances, de M. Delcassé aux Affaires étrangères, de M. Millerand à la Guerre, de M. Briand à la Justice. Nous ne dirons rien de plus ; tous ces hommes sont connus par leurs œuvres ; ils ne le sont pas moins en Europe qu’en France ; ils ont une grande expérience des affaires ; ils ont rendu des services éminens et, pour tous ces motifs, ils jouissent d’une autorité que nul ne conteste. La France peut se reconnaître en eux et se serait mieux reconnue encore dans un miroir un peu plus large. Ces choix excellens sont complétés par celui du général Galliéni, nommé gouverneur de Paris. Tout cela est bien. Notre situation morale en sera fortifiée dans le monde ; nos armées, dans la lutte héroïque où elles sont engagées, seront soutenues par la conscience qu’il y a derrière elles un gouvernement véritable, et nos cœurs, dégagés de la préoccupation qui les étreignait, pourront se tourner tout entiers vers elles.

Leur tâche est dure. La guerre est commencée, et on s’attend à ce qu’elle soit longue et difficile ; elle présentera inévitablement des péripéties diverses ; nous traversons déjà des jours pénibles ; la victoire finale sera à celui qui montrera jusqu’au bout le plus de sang-froid, de constance et de fermeté. Sans parler de l’Autriche, dont les contingens dirigés contre nous présentent une force avec laquelle il faut compter, l’Allemagne est une nation de 65 millions d’hommes : la France n’en a pas 40. Bien que cette disproportion ne nous décourage pas, nous n’avons pas la prétention de venir à bout, d’un seul coup et sans le concours de nos alliés, d’ennemis aussi nombreux. Or le concours de nos alliés est réduit pour le moment au minimum. La Russie a franchi la frontière allemande et elle marche rapidement vers l’Ouest, mais elle est encore loin, et l’Allemagne ne lui oppose qu’une faible partie de ses forces ; tout le reste est tourné contre nous. L’Angleterre a déjà fait un effort important, mais elle en prépare d’autres, et, de ce côté encore, nous avons à attendre. Certes, si nous avions pu, dans une première bataille, remporter sur l’ennemi un de ces avantages qui lixent définitivement la fortune, l’événement aurait été d’un prix inestimable : l’entreprise valait la peine d’être tentée et, même après son échec, nous ne regrettons pas qu’elle l’ait été, car l’ennemi n’a pas été moins éprouvé que nous. Au surplus, nous n’avons pas été entamés sur nos positions qu’on peut qualifier de normales ; nous nous y sommes repliés en bon ordre ; nous allons maintenant nous y défendre. Ce n’est nullement une déroute qui s’est produite et l’opinion ne s’y est pas méprise. La campagne continue et, tout en combattant de manière à arrêter l’ennemi ou à ralentir sa