Page:Revue des Deux Mondes - 1914 - tome 23.djvu/129

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

permis d’employer ce mot, un coup de partie merveilleux au commencement de la guerre. Polonais à l’Est, Alsaciens-Lorrains à l’Ouest de l’Empire allemand sont des alliés naturels que les Russes et nous avons chez l’ennemi. Nous n’avions besoin de rien dire aux Alsaciens-Lorrains, ils nous entendent sans cela ; mais l’empereur Nicolas a bien fait de parler de haut, comme il l’a fait, aux Polonais allemands. Il a attaché par là une immense espérance au succès de ses armes.

Sans même que soit engagé à fond le combat décisif entre la Russie et l’Allemagne, le slavisme fait déjà belle et bonne figure contre le germanisme. Les Serbes, si dédaignés, si méprisés de l’Autriche, et qui ont reçu d’elle l’ultimatum le plus outrageant, ont fièrement relevé le gant qui leur a été jeté. Ils recueillent la gloire qu’obtient toujours dans la conscience humaine un petit peuple qui, à force de courage, devient victorieux d’un grand. Nous voulons bien tenir compte de ce que l’Autriche est obligée d’employer ailleurs une partie importante de ses forces. Elle l’emploie, hélas ! contre nous, qui ne lui vouhons aucun mal, et à qui, au fond de l’âme, elle ne voulait aucun mal non plus. Qui pourrait voir un chef-d’œuvre de la politique dans le conflit que l’Autriche, par simple docilité envers l’Allemagne, dont elle est devenue le satellite eu Orient, a entamé contre un peuple qui n’a aucun point de contact avec elle, aucun intérêt directement contraire aux siens et qui, depuis de nombreuses années, ne lui avait témoigné que de la sympathie ? De cette politique dont aucun conseil, aucun avertissement n’a pu la détourner, l’Autriche commence à éprouver les effets, — et elle ne fait que commencer. Les Serbes l’ont battue dans toutes les rencontres. Le début de cette guerre n’a pas été seulement odieux, il s’y est mêlé quelque ridicule. Les Autrichiens ont bombardé Belgrade, qui est une ville ouverte et, par conséquent, incapable de se défendre. Le gouvernement, qui n’y était plus en sécurité, en est sorti, et une grande partie de la population l’a suivi dans son exode. Les Autrichiens ont continué le même exercice et, pendant plusieurs jours de suite, tous les matins, ils ont bombardé et rebombardé la ville, comme s’ils obéissaient à la simple manie de bombardement. S’ils voulaient par là châtier la mort de l’archiduc François-Ferdinand, ils auraient bien fait de s’en tenir prudemment à cette exécution. Leur tort a été d’entrer sur le territoire serbe : ils y ont été mal reçus et y ont éprouvé des revers retentissans. Nous n’en sommes d’ailleurs pas surpris. L’armée serbe avait déjà montré ce qu’elle valait pendant la guerre balkanique : elle a dépassé alors, non seulement